Les autorités américaines sont parvenues à faire arrêter un ex-trader de JPMorgan Chase, Javier Martin-Artajo, accusé d'avoir dissimulé d'énormes pertes de courtage dans l'affaire de la «baleine de Londres», et négocient avec son ancien subordonné Julien Grout.

Sur la base d'un mandat d'arrêt international, la police espagnole «est parvenue à localiser la personne recherchée par la justice américaine et, après avoir discuté avec lui, a obtenu qu'il se présente à un commissariat» de Madrid où il a été arrêté, explique la police.

Javier Martin-Artajo, après avoir été entendu par un juge, «a été placé en liberté conditionnelle avec interdiction de sortie du territoire et obligation de se présenter à la justice tous les quinze jours», a indiqué une source judiciaire.

Les États-Unis disposent de 40 jours pour envoyer les documents pouvant justifier une extradition, et un tribunal de la capitale espagnole statuera par la suite sur une éventuelle demande d'extradition, selon une source judiciaire.

Les autorités américaines ont engagé des poursuites au pénal le 14 août contre Javier Martin-Artajo, qui dirigeait la stratégie de courtage d'une unité londonienne du service d'investissement en propre de JPMorgan, et Julien Grout, responsable des bilans de courtage quotidiens de l'unité.

Ils sont tous deux accusés d'avoir masqué sciemment des pertes de courtage dans des dérivés risqués de crédits européens qui se sont accumulées début 2012. Ils risquent chacun aux États-Unis un maximum de 65 années de prison et 5 millions de dollars d'amende.

M. Martin-Artajo est aussi accusé d'avoir fait pression sur ses subordonnés, M. Grout et Bruno Iksil, un autre Français, qui a placé sur le marché les ordres de courtage qui ont mal tourné, coûtant au total 6,2 milliards de dollars à la première banque américaine.

Extradition vers les États-Unis

Au printemps 2012, les positions de M. Iksil étaient si énormes que les autres traders du marché ont affublé le trader du surnom de «baleine de Londres», devenu celui de toute l'affaire.

En avril 2013, le PDG de JPMorgan, Jamie Dimon, avait tenté de minimiser les pertes du service incriminé lors d'une conférence d'analystes, les qualifiant de «tempête dans un verre d'eau». Il a depuis admis que l'épisode était «le plus embarrassant de toute sa carrière».

Pour Anthony Sabino, professeur de droit à l'Université St John de New York, «les États-Unis ne devraient pas avoir beaucoup de difficultés à faire extrader» M. Martin-Artajo.

«Il devra ensuite être présenté devant la Justice américaine pour recevoir ses charges d'accusations. Ses avocats devraient ensuite tenter de négocier une caution, qui en raison des risques de voir un citoyen non américain quitter le territoire, pourrait être combinée à une forme d'assignation à résidence», a détaillé M. Sabino.

Julien Grout ne devrait, lui, pas être arrêté pour l'instant.

Il se trouve en France, un pays qui «n'extrade pas ses ressortissants» vers les États-Unis, a expliqué son avocat, Edward Little, joint par téléphone.

«Nous négocions avec les États-Unis sur la manière de procéder. La seule manière par laquelle il reviendrait aux États-Unis, c'est si nous pouvons parvenir à un accord raisonnable sur une caution», a ajouté M. Little.

Les avocats de M. Martin-Artajo de même que le bureau du procureur fédéral de Manhattan (New York) n'étaient pas joignables dans l'immédiat. Un porte-parole de JPMorgan a décliné tout commentaire.

Bruno Iksil a pour sa part signé un accord avec les États-Unis, qui estiment qu'il avait tenté de sonner l'alarme sur les dangers de masquer les pertes de courtage qui s'accumulaient. Il a collaboré à l'enquête des autorités et ne sera pas poursuivi.

Les pertes de la «baleine» n'ont pas empêché JPMorgan Chase de générer un bénéfice «record» de 21 milliards de dollars en 2012 mais ont terni la réputation de la banque, objet de plus en plus de poursuites sur différents fronts.