L'amélioration de la conjoncture en zone euro, illustrée par plusieurs récents indicateurs, devrait conduire la Banque centrale européenne (BCE) à maintenir son principal taux directeur inchangé jeudi, de l'avis des analystes.

« La BCE devrait voir dans l'amélioration des dernières données conjoncturelles, y compris dans les pays en crise, une raison de ne pas relâcher davantage sa politique monétaire », jugent les économistes de la banque allemande Postbank.

L'activité privée dans la zone euro s'est particulièrement redressée en juillet, laissant entrevoir une sortie de récession, selon le cabinet Markit. Le moral des entrepreneurs progresse un peu partout, celui des consommateurs se porte un peu mieux en France. Autre signe positif, même s'il reste anecdotique: le taux de chômage en Espagne a baissé au deuxième trimestre, pour la première fois en deux ans, bien qu'il reste très élevé à 26,26% de la population active concernée.

Le principal taux directeur de la BCE a été porté en mai à 0,50%, soit le plus bas niveau de son histoire. Et début juillet, son président Mario Draghi s'est engagé à le laisser à ce niveau aussi longtemps que nécessaire, voire à le baisser davantage si la situation en zone euro l'exigeait. Il a ainsi rompu de manière inattendue avec la tradition observée par l'institution de ne donner aucune orientation concernant sa politique monétaire (« forward guidance »), ce qui a été qualifié de révolution par certains économistes.

Si cette « guidance » a été décidée de manière unanime par les 23 membres du conseil des gouverneurs, comme l'a dit M. Draghi, des dissensions sont apparues depuis sur sa signification et sa durée, sur lesquelles il sera sans doute prié de s'expliquer lors de la conférence de presse qui suit l'annonce de la décision sur les taux.

Illustration de ce malaise, alors que Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, a déclaré que cette orientation de politique monétaire valait pour au moins 12 mois, la communication de la BCE s'est empressée de le démentir, affirmant qu'il n'avait jamais voulu dire ça.

Dans la foulée, Jens Weidmann, président de la Banque centrale allemande, la Bundesbank, et à ce titre membre du conseil des gouverneurs de la BCE, a affirmé que les propos de M. Draghi ne constituaient pas « forcément une décision prise à l'avance sur la direction des taux » et que « le conseil de la BCE ne s'est pas attaché au mât comme Ulysse ».

« Il y a des divisions évidentes au sein du conseil des gouverneurs sur jusqu'où cette orientation doit aller », commente Jennifer McKeown, économiste chez Capital Economics.

« Si les membres du conseil des gouverneurs ont unanimement soutenu une promesse vague le mois dernier, ils pourraient bien ne pas être d'accord sur un calendrier précis ou les conditions économiques nécessaires avant d'étudier une possible hausse de taux », poursuit-elle.

Selon elle, M. Draghi ne devrait donc pas s'engager davantage et s'en tiendra à cette « orientation floue ».

Un autre désaccord risque d'animer la réunion de jeudi, souligne Christoph Balz, analyste de Commerzbank: celui des garanties acceptées par la BCE en échange des liquidités qu'elle prête aux banques de la zone euro.

Dans un contexte où les banques restent réticentes à prêter aux consommateurs et aux petites et moyennes entreprises, la BCE a annoncé mi-juillet qu'elle allait abaisser ses exigences concernant les titres ABS (prêts adossés à des crédits) que les banques lui apportent en garantie.

Pour la BCE, cette évolution reflète « une amélioration de la transparence et de la normalisation de ces titres ». Or selon la presse allemande, la Bundesbank juge au contraire que les risques des titres ABS restent difficiles à évaluer.