Comme au début de chaque trimestre, La Presse reprend sa consultation avec quatre experts en répartition d'actifs. Nous leur demandons de formuler des recommandations pour faire fructifier ou pour protéger le capital d'un REER autogéré de 50 000$. Tout en expliquant les modifications qu'ils apportent à leur répartition, ils reviennent sur le deuxième trimestre, marqué par des changements fondamentaux.

En annonçant qu'elle voulait cesser d'imprimer de l'argent d'ici un an, la Réserve fédérale américaine (Fed) a provoqué une onde de choc parmi les spéculateurs, dopés par le crédit facile depuis des années au point d'oublier qu'il fallait bien un jour revenir à la normale et souffrir les affres du sevrage.

Pour la première fois en plus de deux ans, les taux d'intérêt réels sur les obligations du Trésor américain de 10 ans sont passés en territoire positif, fin juin.

«On s'attend à ce que les taux montent encore, soutient François Bourdon, vice-président et chef adjoint des placements chez Fiera Capital. Le compromis risque-rendement devient plus attrayant.»

Il fait valoir que les États-Unis fonçaient dans un mur budgétaire lorsque la Fed a lancé sa troisième ronde de détente quantitative. S'ils l'ont évité, c'est au prix d'une ponction fiscale accrue et de coupes budgétaires aveugles. Et pourtant, l'économie a poursuivi sa croissance.

Voilà pourquoi il croit que les taux d'intérêt sont encore bien faibles. Il choisit néanmoins de diminuer de cinq points son encaisse au profit des titres à revenus fixes et reconduit telle quelle sa répartition en actions.

Stéfane Marion, économiste et stratège en chef à la Banque Nationale, souligne pour sa part que les niveaux d'inflation en Amérique du Nord sont plus faibles que ce qui était anticipé. «Les taux d'intérêt obligataires ne devraient pas continuer de monter, note-t-il. En outre, les analystes américains n'ont pas changé leurs prévisions de bénéfices en 2013 pour le S&P 500.» D'où sa position plus prudente que ses collègues avec 38% de billes placées sur le marché obligataire, ce qui reste inférieur de 2 points néanmoins par rapport au début du deuxième trimestre.

Michel Doucet, vice-président, gestion de portefeuille, chez Desjardins Marchés des capitaux, et Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux, qui misent davantage sur les marchés boursiers depuis le début de l'année, en remettent. Ils augmentent de 10 points, à hauteur de 75%, leur pondération en actions.

Actions américaines

Ils privilégient tous deux les actions américaines. «On n'achète pas l'économie américaine, mais les endroits où se réalisent les profits. Il y a plus de croissance de revenus et de profits sur le S&P», estime M. Doucet.

Il ajoute que la mutation de la Chine en une économie qui mise davantage sur la croissance intérieure plutôt que sur ses exportations sera moins favorable au Canada, comme en fait foi le repli des prix des biens de base.

«J'ai augmenté de trois points ma mise sur les actions canadiennes, mais le marché américain me paraît encore plus attrayant, soutient pour sa part M. Delisle. Si la Fed met fin à la détente quantitative en 2014, ça favorise les actions.»

Il note enfin qu'on observe plus de rentrées nettes que de sorties de fonds en Bourse, ce qui favorise l'augmentation des multiples des ratios cours/bénéfice.

M. Bourdon est celui qui favorise encore le plus les actions canadiennes. Il rappelle que le S&P/TSX a été sous pression au deuxième trimestre avec le repli des biens de base et le plongeon de 25% du cours de l'or. «Il a du rattrapage à faire. On compte là-dessus.»

M. Marion y croit d'autant plus qu'il voit peu de potentiel à court terme sur le marché américain. S'il avait à choisir les titres canadiens (ce qui n'est pas le but du présent exercice), il miserait sur les titres pétroliers. Mine de rien, le West Canada Select s'est apprécié depuis le début de l'année, tout comme le billet vert face au huard. Cela pourrait bien continuer.

M. Doucet juge plutôt que la Bourse canadienne repose trop sur les ressources. La conversion de l'économie chinoise ne la favorise pas. Il ne place que 20% de ses billes sur la Bourse de Toronto, soit 5 points de moins qu'au deuxième trimestre replacés sur les marchés européens et d'Extrême-Orient, qui ont bien fait le printemps dernier.