Le géant Apple (AAPL) s'est retrouvé sur le gril mardi au Sénat américain, accusé d'avoir exploité des failles dans les législations fiscales à l'échelle internationale pour échapper aux impôts sur des dizaines de milliards de dollars de revenus.

Une commission d'enquête du Sénat lui reproche d'avoir «cherché le Saint-Graal de l'évasion fiscale», selon les mots de son président, le démocrate Carl Levin.

«Nous ne dépendons pas d'artifices fiscaux», s'est défendu le patron d'Apple, Tim Cook, lors d'une audition devant les parlementaires. «Nous ne dissimulons pas d'argent dans des paradis fiscaux.»

Richard Harvey, un professeur de l'université de Villanova également entendu par les sénateurs, a reconnu qu'Apple avait probablement «agi dans les limites de la législation internationale», mais a ajouté être «presque tombé de (sa) chaise» en entendant le groupe dire qu'il n'utilisait pas d'artifices.

Sans aller jusqu'à accuser Apple de pratiques illégales, la commission d'enquête met en cause la façon dont il a contourné le paiement d'impôts avec un complexe réseau de filiales à l'étranger, dont certaines ne sont «qu'un simulacre», selon M. Levin.

Les sénateurs ont longuement interrogé des responsables du groupe sur trois filiales enregistrées en Irlande.

L'une d'elles, la holding Apple Operations International, n'a aucun salarié mais des bénéfices totalisant 30 milliards de dollars sur les cinq dernières années. Elle ne fait pas de déclaration d'impôts depuis cinq ans «en exploitant les failles» des législations fiscales américaine et irlandaise, selon les conclusions de la commission d'enquête.

«Stratégies alambiquées»

Le sénateur républicain John McCain a jugé «scandaleux» qu'Apple puisse «éviter de payer des impôts tout autour du monde avec ses stratégies alambiquées et pernicieuses».

Si les filiales irlandaises payent peu ou pas d'impôts, c'est parce que «les bénéfices ont déjà été taxés par les pays étrangers où ils sont gagnés», a répondu le directeur financier d'Apple, Peter Oppenheimer.

«Nous payons tous les impôts que nous devons, au dollar près», a aussi affirmé Tim Cook, assurant que son groupe a «de vraies activités dans de vrais endroits».

Apple dit être l'entreprise qui paye le plus d'impôts aux États-Unis, avec une facture de 6 milliards de dollars l'an dernier. Sur son dernier exercice, clos fin septembre, son bénéfice net mondial atteignait 41,7 milliards de dollars, pour un chiffre d'affaires de 156,5 milliards.

Apple n'est pas la première multinationale mise sur la sellette aux États-Unis à cause de ses pratiques fiscales.

Le conglomérat industriel General Electric avait été vertement critiqué pour avoir réussi à échapper à tout impôt fédéral pour l'année 2010, et la même commission d'enquête s'était déjà attaquée en septembre aux groupes informatiques Microsoft et Hewlett Packard.

Plusieurs groupes américains comme les poids lourds d'internet Google et Amazon, ou encore la chaîne de cafés Starbucks, sont aussi au coeur de polémiques en Europe, et en particulier au Royaume-Uni, pour le montant dérisoire des impôts qu'ils y payent.

Les parlementaires américains s'interrogent sur une éventuelle modification de la législation fiscale, car des multinationales conservent légalement des liquidités souvent très importantes sur des comptes à l'étranger.

Dans le cas d'Apple, cela représente une centaine de milliards de dollars. Mais le groupe à la pomme s'est illustré récemment en renonçant à les utiliser pour payer des dividendes et des rachats de titres promis à ses actionnaires, préférant plutôt s'endetter.

Tim Cook a reconnu que le taux d'imposition de 35% décourageait les rapatriements de fonds, se disant favorable à «une simplification importante de l'impôt sur les sociétés».