Réduire les déficits au risque d'étouffer la croissance ? Le débat sur les vices et vertus de l'austérité en Europe a continué de diviser la communauté internationale, réunie cette semaine à Washington, en dessinant de singulières lignes de front.

Avocat de longue date de l'orthodoxie budgétaire, le Fonds monétaire international a donné le ton en confirmant son récent aggiornamento et ses appels à davantage de souplesse lors de son assemblée de printemps, qui s'achève dimanche dans la capitale américaine.

«Nous avons besoin d'assainissement budgétaire, mais d'un assainissement judicieux et pas aveugle. Le problème arrive quand il est brusque et aveugle», a estimé la directrice générale du FMI, Christine Lagarde.

Son économiste en chef, Olivier Blanchard, est allé plus loin en désignant nommément la Grande-Bretagne et en estimant qu'il était «peut-être temps» pour le pays d'assouplir son plan de réduction des déficits.

Esquissé en octobre, cet infléchissement tarde à se traduire en actes et n'a «fondamentalement» rien changé en pratique, a accusé la confédération syndicale internationale (CSI) qui revendique 175 millions de travailleurs.

Mais il fait écho à des discussions qui traversent les quatre coins du globe, au gré d'alliances hétérogènes.

Première puissance économique mondiale, les États-Unis ont exprimé leurs craintes d'une «fatigue de l'austérité» en Europe, toujours en prise à la récession et à une flambée du chômage, et ont appelé à stimuler davantage l'activité au risque de gonfler les déficits.

«Une demande plus forte en Europe est cruciale pour la croissance mondiale», a estimé vendredi le secrétaire au Trésor américain Jacob Lew.

Plus bas dans la hiérarchie économique mondiale, le Cameroun dit sensiblement la même chose. «Les politiques d'austérité freinent plus ou moins l'élan de la croissance», a indiqué son ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey, inquiet des conséquences sur les flux d'aide au développement.

Dans leur communiqué final, les ministres des Finances des pays du G20 sont d'ailleurs restés très prudents vendredi, s'abstenant de fixer un seuil d'endettement comme cela avait été un temps envisagé.

Un rapport du FMI publié cette semaine a toutefois de nouveau sonné l'alarme. Selon ce document, l'endettement massif menace encore de s'aggraver cette année dans la zone euro, notamment en Grèce où la dette devrait friser les 180 % de son produit intérieur brut (PIB).

Un tiers des pays riches font encore face à des défis budgétaires «majeurs» et doivent consentir des efforts «sans précédent», a estimé ce rapport.

Gardien du temple budgétaire, l'Allemagne y voit une nouvelle raison de camper sur ses positions: «Personne ne peut faire l'erreur de croire qu'il y a une alternative à la réduction des déficits», a déclaré son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble.

«Ce n'est pas une position allemande, c'est une position commune», a-t-il ajouté.

S'exprimant au nom de sept autres États, dont la Turquie et la Slovénie, la ministre autrichienne des Finances, Maria Fekter, a elle aussi assuré que la «consolidation budgétaire», terme technique pour désigner l'austérité, devait se poursuivre.

Le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, a tenté une troisième voie en appelant à une consolidation budgétaire «favorable» à la croissance, sans toutefois en préciser les contours.

«Nous avons reçu beaucoup de conseils ces derniers jours sur le rythme de l'ajustement budgétaire en Europe. Eh bien, je vais vous livrer un secret: le rythme de l'ajustement budgétaire en Europe s'est déjà ralenti depuis l'an dernier», a assuré le commissaire européen.