Le premier budget du ministre des Finances Nicolas Marceau devait rassurer les marchés obligataires et les agences de notation de crédit.

Au lendemain de sa présentation, cela semble réussi.

L'écart de taux entre les obligations canadiennes et québécoises sur le marché secondaire, pour une obligation venant à échéance dans 30 ans, s'est rétréci d'un point de base (un centième) à 122,5 points. L'écart avec une obligation ontarienne a reculé d'un demi-point à 106,5 points.

«Cela reflète un biais favorable», juge Benoit Durocher, Vice-président exécutif et chef stratège économique chez Addenda Capital.

Les prêteurs avaient été échaudés par le cafouillage des premiers jours du gouvernement de Pauline Marois sur la concrétisation de ses engagements électoraux à caractère fiscal. Les écarts s'étaient alors quelque peu élargis, tout comme durant le «printemps érable» des manifestations étudiantes et populaires.

En outre, les mises à jour budgétaires albertaines et manitobaines annoncées ces derniers jours reflétaient des différences importantes entre le plan budgétaire du printemps et les résultats de mi-parcours.

Ils faisaient suite aussi à l'importante révision budgétaire fédérale qui reporte d'un an, en 2016-2017, le retour à l'équilibre.

Dans les trois cas, on a évoqué le recul des prix des matières premières (et du pétrole canadien en particulier) en guise d'explication.

Le Québec ne pouvait donner une telle justification, n'ayant toujours pas d'exploitation pétrolière. Le lourd fardeau fiscal déjà imposé aux contribuables pour supporter les services publics et celui de la dette commandait le respect du plan de match.

«On a vu un peu d'achats sur le marché secondaire, affirme Jean-François Godin, vice-président recherches chez Valeurs mobilières Desjardins. Le budget a été assez bien accueilli.»

On s'attend donc à ce que la province vienne incessamment au marché afin de compléter son programme d'emprunts pour l'exercice en cours.

Le contexte difficile du printemps (crise européenne, mobilisation étudiante et populaire), la campagne électorale estivale et le black-out prébudgétaire ont ralenti la réalisation du programme d'emprunts de Québec. Il accuse un retard important par rapport aux années précédentes.

Selon les données du budget, les besoins d'emprunts se chiffrent à 17,3 milliards, en 2012-2013. Ce montant comprend de nouveaux emprunts et le renouvellement de 7,7 milliards d'obligations venues à échéance.

La nouvelle dette est surtout constituée d'investissements en immobilisations (6,5 milliards), du déficit budgétaire de 1,5 milliard et des coûts de fermeture de Gentilly-2 (1,8 milliard).

À peine la moitié des besoins financiers (54%) ont été comblés jusqu'ici. Ils doivent d'être complétés d'ici le 31 mars.

«Avec seulement quatre mois à courir avant la fin de l'année fiscale et des besoins financiers de 8 milliards à combler, le gouvernement du Québec sera souvent présent sur les marchés financiers dans les mois à venir», fait remarquer Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale.

Sauf exceptions, Québec privilégie l'émission de tranches de dettes de 500 millions. À ce rythme, il devra venir 16 fois aux marchés.

Ce lourd calendrier n'est pas irréalisable. Il compromet sérieusement en revanche la politique de devancements d'emprunts, en place depuis plusieurs années.

Par le passé, Québec avait pris l'habitude d'emprunter 4 milliards en moyenne pour l'année suivante, une fois satisfaits ses besoins pour l'exercice en cours.

Cette fois-ci, ce sera plus difficile. Par bonheur, les besoins financiers de 2013-2014 sont évalués à 15 milliards, soit 2,3 milliards de moins que pour 2012-2013. En 2014-2015, les besoins grimpent cependant à 17,3 milliards en raison d'une portion de 12,3 milliards de la dette actuelle qui viendra à échéance.

Tant pour l'exercice en cours que pour l'an prochain, il faut compter 3 milliards destinés à constituer une cagnotte de liquidités en cas de gel des marchés d'emprunts. En 2008-2009, pareil gel avait fait ballonner les coûts d'emprunts.

Cette cagnotte de 6 milliards sera placée dans des instruments financiers très liquides comme les bons du Trésor.

Elle n'est pas de la dette tant qu'elle n'est pas utilisée.