Imperial Tobacco n'aura pas accès aux dossiers médicaux des membres du recours collectif de 27 milliards de dollars contre l'industrie du tabac et encore moins la possibilité de les rencontrer sans la présence de leurs avocats, confirme la Cour d'appel.

Le cigarettier contestait une première décision en sa défaveur rendue par le juge du procès, Brian Riordan, le 11 juillet 2011. Le magistrat avait refusé la requête d'Imperial visant à contraindre les avocats du recours à lui fournir toutes les informations recueillies dans un questionnaire rempli par les membres, à lui permettre de rencontrer ces personnes sans la présence de leurs avocats et à lui donner accès à leur dossier médical.

La liste des membres

La société estimait que la collecte de ces renseignements lui était nécessaire afin de se préparer adéquatement pour le procès et d'assurer «sa défense pleine et entière».

Le juge Riordan a cependant ordonné aux avocats du recours de remettre au cigarettier la liste des membres, leur adresse, leur numéro de téléphone et leur adresse de courriel.

Imperial Tobacco contestait les conclusions du juge voulant que les membres du recours, bien qu'ils ne soient pas directement les requérants - ce sont plutôt les deux représentants du groupe, Cécilia Létourneau et Jean-Yves Blais -, sont tout de même protégés par les dispositions du Code de déontologie des avocats, notamment le secret professionnel, et que certaines informations qu'ils ont partagées avec les avocats du recours sont confidentielles.

La Cour d'appel, sous la plume du juge Richard Wagner, qui vient tout juste d'être nommé à la Cour suprême, concède que «que le statut des membres inscrits ne répond pas, néanmoins, à la définition habituellement reconnue du client...».

Les règles de procédure

Cependant, le juge Wagner souligne que les règles de procédure des recours collectifs visent à simplifier l'exercice des poursuites en permettant le regroupement de personnes mues par un même intérêt contre «le débiteur d'une obligation ou les responsables d'une faute délictuelle». «Il s'ensuit que les représentants désignés [...] agissent pour tous les membres inscrits au recours et je ne vois pas en quoi ces derniers perdraient le statut de partie, même s'il n'est que virtuel, présumé ou délégué [...], écrit-il.

«Je suis d'avis, dit le juge, que les membres inscrits du groupe peuvent revendiquer un statut qui se rapproche beaucoup de celui de partie protégée par les obligations déontologiques du Code de déontologie des avocats et par l'obligation de ces derniers d'assurer le secret professionnel.»

La pertinence

Le magistrat note que ce statut n'empêche pas Imperial Tobacco de tenter d'assigner des membres du groupe comme témoins au cours du procès - et donc de les interroger au préalable -, mais il rappelle que de telles assignations seront soumises à l'évaluation du juge Riordan, qui devra les permettre ou non en fonction de leur pertinence.

La Cour d'appel refuse également à Imperial la permission de faire rencontrer par ses experts des membres du recours. Le juge Wagner explique ainsi les motifs du juge Riordan qu'il fait siens: «Le juge était soucieux de ne pas autoriser une telle rencontre qui pourrait constituer un interrogatoire préalable déguisé.» Là encore, Imperial n'est pas sans option, ajoute le magistrat de la Cour d'appel. «Le juge ne ferme pas la porte à la possibilité pour [Imperial] de parrainer une enquête auprès de la population québécoise en général, incluant les membres inscrits, sans pour autant que ces rencontres ou ces entrevues ne se transforment en interrogatoires déguisés.»

Quant à l'accès aux dossiers médicaux, la Cour d'appel se range également derrière le raisonnement du juge Riordan. Ce dernier rappelle que le recours vise des millions de personnes. «Quel est l'intérêt d'avoir des informations médicales spécifiques au sujet de quelques douzaines de membres du groupe [...]?»