Les tensions entre Astral Media (T.ACM.A) et Québecor (T.QBR.B) remontent à plusieurs mois, bien avant l'annonce de l'acquisition d'Astral par Bell Canada, selon une poursuite rendue publique hier au Palais de justice de Montréal.

Le Groupe de radiodiffusion Astral accuse Vidéotron, filiale de Québecor, d'avoir réduit «de façon illégale et unilatérale» les redevances qu'elle lui versent. Selon Astral, le manque à gagner se chiffre à 4,3 millions, montant qu'elle réclame à Vidéotron dans sa poursuite.

Rappelons que Québecor est le principal protagoniste d'un groupe qui s'oppose fermement à l'acquisition d'Astral Media par Bell Canada, annoncée le 16 mars dernier. Une vaste campagne de publicité, baptisée «Dites non à Bell», a été lancée dernièrement pour convaincre le public et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de rejeter la transaction.

Selon les opposants, les parts de marché de Bell passeraient de 29 à 38% du marché canadien, ce qui lui permettrait d'avoir une position dominante et de majorer ainsi la facture de ses clients. En ce moment, Bell est notamment propriétaire de CTV, de TSN et de RDS, alors qu'Astral possède entre autres les chaînes spécialisées Super Écran, Canal Vie et Séries+.

Les tensions entre Astral et Vidéotron ont commencé en février 2011, selon la poursuite. Vidéotron s'est alors plaint auprès d'Astral de la portion trop grande du contenu que diffuse gratuitement Astral sur son site internet. Il s'agit de ce même contenu que Vidéotron fait payer à ses clients. La gratuité sur internet ferait perdre des abonnements à Vidéotron.

En vertu d'une convention entre les parties, Astral peut diffuser gratuitement 10% de son contenu sur internet. Vidéotron soutient toutefois que l'entente ne vise que le contenu original, excluant les reprises, alors qu'Astral soutient le contraire, explique la requête.

Le 17 octobre 2011, «contrairement aux exigences de la bonne foi, Vidéotron, de façon unilatérale, a choisi de réduire le montant des redevances payables (...), à la grande surprise d'Astral», est-il écrit dans la requête.

En janvier 2012, Astral a choisi de réduire sa programmation sur internet pour respecter les doléances de Vidéotron, demandant du même coup le remboursement des redevances passées, ce que Vidéotron n'aurait pas fait.

Le manque à gagner pour cet aspect du litige s'élève à 2,7 millions de dollars, selon la requête.

Les tensions ont augmenté d'un cran au printemps, lorsque Vidéotron a modifié sa méthode de calcul des redevances, soutient Astral. Cette fois, le désaccord porte sur «le grand débrouillage», une promotion qu'utilise Vidéotron pour attirer de nouveaux clients.

Selon Astral, Vidéotron offre cette promotion plus fréquemment et inclut désormais ces nouveaux clients dans son calcul des redevances. Or, les redevances diminuent lorsque ces clients sont inclus, puisque le contrat entre les parties prévoit que les redevances sont moindres lorsque le taux de pénétration des services de Vidéotron augmente.

Par le passé, jamais les clients du «grand débrouillage» n'avaient été pris en compte dans le calcul du taux de pénétration, soutient Astral dans sa poursuite. Le manque à gagner depuis mars 2012 pour Astral s'élèverait à 1,7 million.

Bref, le torchon brûle depuis longtemps entre les deux camps.

Jointe en fin de journée, Vidéotron affirme qu'Astral n'a pas respecté les dispositions contractuelles concernant le contenu internet. «Ce type de divergence est normalement discuté entre les parties. Il est douteux qu'Astral ait fait le choix de la confrontation juridique. À une semaine des audiences du CRTC sur l'acquisition d'Astral par Bell, on est en droit de se demander s'il ne s'agit pas d'une stratégie de relations publiques plutôt que de considérations juridiques ayant quelque chance de succès», affirme le porte-parole Martin Tremblay.