La crédibilité de l'Espagne sur les marchés financiers a subi un nouveau coup mardi alors que la Catalogne, l'une de ses régions les plus riches, a admis qu'elle allait demander l'aide du gouvernement.

La région du nord-est du pays, deuxième en termes de contribution au PIB, a l'intention de solliciter elle aussi une aide de Madrid, après une demande similaire formulée vendredi par Valence, a indiqué le responsable de l'économie du gouvernement catalan.

Interrogé par la BBC sur un éventuel appel de la Catalogne aux finances du gouvernement espagnol, Andreu Mas-Colell a répondu: «Oui. La situation actuelle est que la Catalogne ne dispose pas d'autre banque que le gouvernement espagnol».

Une annonce qui survient alors que l'Espagne elle-même subit l'épreuve du feu sur les marchés, avec comme enjeu d'«éviter un effondrement financier imminent», souligne le journal El Economista. La plupart des analystes fixent octobre comme date limite avant un défaut de paiement du pays.

Le Trésor espagnol a d'ailleurs dû payer cher mardi pour emprunter 3,05 milliards d'euros, avec des taux passant de 2,362% à 2,434% pour les bons à trois mois et de 3,237% à 3,691% pour ceux à six mois, par rapport à la dernière émission similaire, le 26 juin, où ils s'étaient déjà appréciés.

Et le pays reste fortement chahuté par les investisseurs: à 6h53 (heure de Montréal), la Bourse chutait de 2,88%, passant sous la barre symbolique des 6000 points.

Pas d'accalmie non plus sur le front du marché obligataire, où le taux d'emprunt à 10 ans de l'Espagne évoluait ce matin à un nouveau plus haut depuis la création de la zone euro, à 7,552%, effaçant son record de la veille.

Avec des taux aussi élevés, «c'est impossible de se financer» et Madrid peut tenir «deux mois» au plus, pronostique Daniel Pingarron, analyste de la maison de courtage IG Markets.

«Actuellement, le Trésor a encore environ 30 milliards d'euros dans ses caisses, ce qui est suffisant pour couvrir les échéances de dette qui restent en juillet, celles d'août et peut-être celles de septembre», «mais en octobre il y a une échéance très importante», prévient-il.

L'Espagne envisage d'ailleurs de recourir à un «plan de sauvetage global assoupli» avec une ligne de crédit, pour être en mesure d'honorer cette échéance de quelque 28 milliards d'euros en octobre, affirme El Economista.

«Il est évident que la situation reste insoutenable» et «l'État ne peut pas tenir plus longtemps, donc octobre paraît se dessiner comme la date limite», renchérit Alberto Roldan, directeur du département d'analyse boursière à la maison de courtage Inversis.

Les deux problèmes fondamentaux du pays restent ses banques et ses régions, très fragilisées depuis l'éclatement en 2008 de la bulle immobilière, dont elles avaient largement profité.

L'Espagne a gagné un peu de temps grâce à l'approbation vendredi par l'Eurogroupe d'une aide d'un maximum de 100 milliards d'euros pour son secteur bancaire.

Mais celle-ci a été «éclipsée par la demande d'aide de la région de Valence, rapidement suivie de celle de Murcie», qui a cependant démenti dimanche avoir sollicité le recours du fonds d'aide aux régions, souligne dans une note Cyril Regnat.

«La situation des régions, qui paraissait sous contrôle en début d'année, s'est donc dégradée» et «sur les 17 régions espagnoles, près de 6 demanderaient l'aide de l'État», ajoute-t-il.

«Au final, se rajoutent au risque étatique espagnol le risque régional et le risque bancaire, d'où une réaction particulièrement violente sur les marchés obligataires», résume-t-il, jugeant «souhaitable que les autorités européennes apportent une réponse suffisante pour calmer les tensions sur le marché».

«À court terme, l'unique solution passe par une action de la Banque centrale européenne (BCE) pour voir un relâchement des taux», notamment par un achat de dette espagnole, affirme aussi la maison de courtage Renta4.

«Tant que cela ne se produit pas, la visibilité du financement de l'Espagne se réduit et avec elle les rumeurs sur un possible sauvetage augmentent», ajoute-t-il.