Exonéré coup sur coup par la Cour du Québec et la Cour supérieure, l'investisseur Gilbert Fournier n'a pas eu la même chance devant la Cour d'appel, laquelle a condamné son refus de répondre aux questions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) dans le cadre de l'affaire Martin Tremblay.

L'organisme réglementaire a lancé en janvier 2006 une enquête sur les activités de courtage auprès de clients québécois de la firme Dominion Investments, des Bahamas, et du président de la société, Martin Tremblay, peu après l'arrestation de ce dernier aux États-Unis pour blanchiment d'argent.

Presque deux ans plus tard, un enquêteur de l'AMF prend contact avec M. Fournier afin de l'interroger sur un compte appelé Foug détenu chez Avantage Services financiers. L'Autorité cherchait à l'époque à identifier les propriétaires québécois de comptes liés à Dominion Investments et à Avantage Services financiers.

Charte des droits et libertés

M. Fournier se présente à la rencontre avec un avocat. L'enquêteur Gaétan Paul indique d'entrée de jeu à M. Fournier que l'enquête vise Dominion Investments, qu'il est protégé par la Charte des droits et libertés et que tout ce qu'il dira ne pourra pas être retenu contre lui, sauf s'il commet un parjure ou rend un témoignage contradictoire.

M. Paul demande à M. Fournier s'il détient un compte de courtage. Son avocat du moment, Stéphane Davignon, s'oppose à la question au motif de sa pertinence. M. Paul réplique qu'on ne peut s'opposer aux questions à ce stade-ci du processus. Après un échange d'arguments, Me Davignon propose de demander à un juge quel type de questions peut être posé à M. Fournier, dans le cas précis de la démarche de l'AMF à son endroit.

Lorsque l'interrogatoire reprend, l'investisseur refuse encore de répondre à une série de questions de l'enquêteur, notamment s'il connaît Michel Marcoux (président d'Avantage Services financiers), s'il fait affaire avec Avantages, s'il a un compte chez Dominion Investments, s'il est le propriétaire du compte Foug et s'il sait que ce compte avait été bloqué à la demande de l'AMF.

De guerre lasse, Gaétan Paul met fin à la rencontre et l'AMF dépose ensuite une plainte pénale contre M. Fournier pour refus de témoigner.

L'autorité réglementaire a fait chou blanc en Cour du Québec et en Cour supérieure à la suite d'un appel de l'AMF. La première tranche que l'AMF n'a pas été assez précise sur les motifs de l'enquête qu'elle menait, de sorte qu'on ne peut reprocher à M. Fournier et à son avocat d'avoir formulé des objections, notamment parce qu'ils n'avaient pas les informations nécessaires pour mesurer la pertinence des questions.

La Cour supérieure a confirmé ce jugement, et ajouté que l'enquêteur de l'AMF aurait dû expliquer pourquoi il refusait les objections de Me Davignon. La Cour s'est étonnée qu'une poursuite soit intentée contre M. Fournier pour avoir suivi les consignes de son avocat.

Loi sur les valeurs mobilières

Cependant, selon la Cour d'appel, les deux premières instances ont eu tout faux. D'abord, l'article 241 de la Loi sur les valeurs mobilières crée une obligation de répondre, tranche le juge Jacques Dufresne.

«L'avocat peut choisir, s'il est d'avis qu'il y va de l'intérêt de son client, de lui recommander de refuser de répondre à certaines questions [...], mais il place son client devant la possibilité de faire face à un constat d'infraction [...].» Puis le magistrat ajoute: «Certes, les questions posées doivent être reliées à l'objet de l'enquête, mais leur pertinence ne peut être mise en doute à la moindre question. En l'espèce, les refus répétés de donner quelque renseignement que ce soit au motif d'absence de pertinence témoignent davantage d'un refus systématique de répondre.»

L'affaire a été renvoyée à la Cour du Québec pour déterminer quelle sanction sera imposée à M. Fournier. L'avocat actuel de l'investisseur, Serge Fournier, n'a pas rappelé La Presse Affaires.