Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy s'est dit dimanche «très satisfait» de l'aide européenne accordée aux banques du pays, un sauvetage de cent milliards d'euros au maximum qui laisse à l'Espagne un répit, mais place son économie sous étroite surveillance.

Dès lundi, le pays affrontera le verdict des marchés, espérant une détente après avoir dû payer ces dernières semaines des taux prohibitifs pour se financer.

Mariano Rajoy a tenté dimanche de rassurer: «Si nous n'avions pas fait ce que nous avons fait ces cinq derniers mois, ce qui se serait passé hier aurait été une intervention pour l'Espagne» dans son ensemble, a-t-il lancé devant la presse, rappelant le travail de réformes de son équipe.

«Je suis très satisfait, je crois que nous avons franchi une étape décisive», a ajouté le chef du gouvernement conservateur, très critiqué pour son silence samedi, au moment où se nouait l'accord entre l'Espagne et ses partenaires de la zone euro.

À reculons, après avoir nié presque jusqu'au bout avoir besoin d'une aide, l'Espagne, quatrième économie de la zone euro, a finalement accepté le plan européen qui fait d'elle le quatrième pays, après la Grèce, l'Irlande et le Portugal, à recevoir une assistance extérieure.

Le gouvernement pourtant se refuse obstinément à employer le mot «sauvetage», tombé comme un coup de massue samedi sur un pays étranglé par l'austérité et le chômage.

Objectif de ce plan: assainir les banques espagnoles, qui subissent le contrecoup de l'éclatement de la bulle immobilière, avec, à la fin 2011, 184 milliards d'euros de crédits problématiques dans leurs bilans, notamment des prêts risquant de ne pas être remboursés.

Le prêt européen pourra atteindre cent milliards d'euros et sera injecté dans le fonds public espagnol d'aide au secteur bancaire (Frob), qui attribuera ensuite cet argent aux banques qui le demandent.

«Les conditions seront imposées aux banques, pas à la société espagnole», a souligné samedi le ministre de l'Économie Luis de Guindos.

De fait, le gouvernement espagnol, au pouvoir depuis décembre, a réussi à éviter ce qu'il redoutait par-dessus tout: un plan d'aide global pour son économie, sur le modèle grec, qui aurait supposé en contrepartie de nouveaux sacrifices pour le pays.

Mais les choses ne sont pas si simples: si l'Espagne s'est assurée du soutien de l'Europe, si elle échappe, pour le moment, à un plan de sauvetage plus large, elle n'en est pas moins placée sous l'oeil vigilant de Bruxelles et n'a plus droit à aucun faux pas.

L'Eurogroupe, en annonçant samedi l'accord conclu lors d'une réunion téléphonique des 17 ministres de la zone euro, s'est dit ainsi «confiant» que le pays «tiendra parole quant à ses engagements en matière de réduction de déficit et de réformes structurelles, en vue de corriger les déséquilibres macroéconomiques».

«Des progrès dans ces domaines seront suivis régulièrement et avec attention en plus de l'assistance financière» fournie, a ajouté le communiqué.

Le quotidien de centre-droit El Mundo soulignait d'ailleurs que l'Eurogroupe a insisté sur le respect des objectifs de déficit et la poursuite des réformes structurelles: augmentation de la TVA, à laquelle Madrid se refuse officiellement, marché du travail, retraites.

L'exercice sera délicat, au moment où le pays, retombé en récession, tente de ramener son déficit public de 8,9 % du PIB en 2011 à 5,3 %, de maîtriser le dérapage budgétaire de ses 17 régions autonomes et de juguler un chômage record de 24,44 %.

Dans l'immédiat, la décision d'accorder une aide à l'Espagne «est un signal très clair pour le marché de la détermination de la zone euro à prendre des mesures décisives pour calmer les turbulences» des marchés, estimait dimanche le commissaire européen responsable des Affaires économiques, Olli Rehn.

Mais au-delà, le ballon d'oxygène accordé aux banques suffira-t-il à écarter le spectre d'un sauvetage global, redouté de tous, car il supposerait une facture de plusieurs centaines de milliards d'euros?

«Madrid reviendra pour demander plus», «cela pourrait commencer dès cet automne», prédit Edward Hugh, économiste indépendant installé à Barcelone.

Car le plan de sauvetage, en ne se concentrant que sur le secteur financier, «ignore l'ampleur réelle de la crise en Espagne», estime Steen Jakobsen, économiste en chef de Saxo Bank.

Après plusieurs réformes du secteur financier, talon d'Achille de l'économie espagnole depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2008, la situation s'est brusquement détériorée avec l'annonce début mai du sauvetage de la troisième banque du pays par les actifs, Bankia, pour 23,5 milliards d'euros.

Depuis, sous la pression des marchés et de l'Europe, sans doute pressés de régler le problème avant les élections en Grèce du 17 juin, par crainte d'une contagion, l'hypothèse d'un sauvetage est devenue chaque jour plus évidente, malgré l'obstination du gouvernement à la nier.