Au deuxième jour du procès en appel de Jérôme Kerviel, l'ancien opérateur de marché a été malmené par la cour à propos de quatre courriels dans lesquels il donnait des fausses informations «pour sauver les apparences». L'ancien courtier, accusé d'avoir fait perdre 4,9 milliards à la Société Générale, a déclaré mercredi avoir été «manipulé» par la banque. Jérôme Kerviel, jugé devant la cour d'appel de Paris pour «abus de confiance», «introduction frauduleuse de données», ainsi que «faux et usage de faux», n'a pas contesté avoir écrit des faux courriels.

M. Kerviel a dit avoir transféré des courriels en les réécrivant pour «couvrir sa hiérarchie vis-à-vis de l'extérieur» en avril 2007. «Mais, précise-t-il, c'était complètement débile ce qu'il y avait dedans et ça ne trompait personne.» La présidente Mireille Filippini le presse alors de questions: «Vous l'avez fait même si c'était débile?»

«Mes supérieurs m'avaient demandé de me démerder», lâche-t-il, sans donner aucun nom alors que la présidente le lui demandait. La magistrate s'est alors plainte, comme quelques heures plus tôt, de ne jamais voir l'ancien courtier répondre à ses questions.

Mercredi matin, l'ancien opérateur de marché a affirmé que ses supérieurs le «couvraient» et qu'il masquait des opérations «pour les apparences».

«Il fallait préserver les apparences vis-à-vis de l'extérieur» pour «garder mes positions», a expliqué Jérôme Kerviel. Pour lui, elles «étaient visibles jusqu'à 30 milliards d'euros». Des positions tenues sur les marchés pendant l'été 2007.

Le procès s'est rapidement tendu entre les avocats des deux parties, chacun accusant les autres de mentir. Parole contre parole, la toujours aussi stoïque Claire Dumas, adjointe au chef du département «risques» de la Société Générale, a répondu à Jérôme Kerviel qu'il était «inexact que rien ne lui avait été dit». «Il a fraudé pendant un an et demi» et «il n'a pas respecté la procédure», a-t-elle assuré.

«Mes explications étaient invraisemblables pour des gens qui ont 10, 15 ans de courtage», estime M. Kerviel alors que la représentante de la Société Générale juge que la banque a été «abusée par la qualité des justificatifs qui lui ont été fournis». «Il était très coopératif», a-t-elle remarqué.

L'ancien courtier s'est comparé à un «hamster dans une roue». «Mes chefs pilotaient la roue et moi je devais pédaler de plus en plus vite», a-t-il poursuivi. Au moment de l'explosion de l'affaire, «son exposition en 2008 de 50 milliards d'euros n'a pas été détectée», a insisté Claire Dumas.

En octobre 2010, Kerviel a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à trois ans fermes pour avoir fait perdre à la Société Générale 4,9 milliards d'euros, et à verser cette somme en dommages et intérêts.

Lundi, à l'ouverture de son procès en appel, l'ancien courtier a affirmé qu'il n'était «pas responsable de cette perte». Il a répété que sa hiérarchie ne pouvait ignorer ses agissements. Il est reproché au prévenu, aujourd'hui âgé de 35 ans, d'avoir pris des positions financières hors des limites autorisées par la banque, jusqu'à 50 milliards d'euros en janvier 2008, en les masquant par des opérations fictives ou en produisant des faux pour les justifier.

Le procès en appel devait se poursuivre jeudi après-midi et devrait se terminer le 28 juin.