L'Espagne a tenté mercredi, en vain, d'enrayer l'envolée de ses taux d'emprunt sur les marchés en précisant les modalités de son plan de sauvetage de Bankia et a reçu l'appui bienvenu de la Commission européenne, qui est prête à lui donner du temps pour réduire son déficit.

La Commission européenne a certes appelé mercredi l'Espagne à «accélérer substantiellement le rythme de ses réformes», jugeant qu'elle «fait face à de sérieuses difficultés pour rétablir la confiance des marchés».

Mais le commissaire aux Affaires économiques, Olli Rehn, a apporté un peu de réconfort au pays en annonçant que la Commission était «prête à envisager de prolonger d'un an le délai pour que l'Espagne atteigne ses objectifs budgétaires». Madrid aurait ainsi jusqu'à 2014, et non plus 2013, pour revenir à un déficit public de 3% du PIB.

Le dernier mot reviendra toutefois aux États européens.

Ce geste est bienvenu au moment où le pays est au «centre des attentions, non seulement des pays de la zone euro, mais aussi, probablement, de l'économie mondiale», selon les propos tenus par le gouverneur de la Banque d'Espagne, Miguel Angel Fernandez Ordonez, devant le Sénat.

Et son «principal problème est la chute de tous les indicateurs de confiance ces derniers mois, aggravée ces dernières semaines par la gestion de la dernière crise bancaire», celle de Bankia, qui croule sous les actifs immobiliers risqués.

«Rien n'est plus important maintenant que de retrouver la confiance» du marché: «sans elle, nous ne pourrons résoudre aucun de nos problèmes».

Car l'accès de nervosité des marchés, provoqué par l'annonce d'un prochain sauvetage public de Bankia à hauteur de 23,5 milliards d'euros (dont 19 milliards restent à trouver), perdure. La Bourse de Madrid a ainsi terminé mercredi sur un recul de 2,58% à 6.090,4 points, son plus bas niveau depuis le 1er avril 2003.

Et la prime de risque (surcoût payé par l'Espagne pour emprunter à dix ans par rapport à l'Allemagne, référence en zone euro) a battu de nouveaux records, jusqu'à 541 points.

Pour calmer la tempête, le ministre de l'Économie Luis de Guindos s'est voulu pédagogique, expliquant comment l'argent public sera fourni à Bankia.

«Ce sera le mécanisme habituel, celui que l'on a utilisé pour d'autres injections du (fonds public) Frob auparavant, c'est-à-dire des émissions du Frob qui se font évidemment sur les marchés de capitaux et ensuite, au fur et à mesure des besoins, on injecte le capital», a-t-il dit.

Il reste moins de 5 milliards dans le Frob, créé en 2009 pour aider le secteur: il devra donc trouver 14 milliards sur les marchés. Un objectif périlleux à un moment où les taux d'intérêt appliqués à l'Espagne sont très élevés.

Après l'apport du Frob, «Bankia sera une banque publique, et n'ayez pas le moindre doute que l'on va récupérer tout le capital investi», a lancé Luis de Guindos aux députés.

Mais l'Espagne n'est pas au bout de ses peines: comme l'a souligné le gouverneur de la banque centrale, «il est maintenant prioritaire de retrouver de la crédibilité en appliquant le budget de manière rigoureuse».

Le pays a connu un grave dérapage budgétaire en 2011 avec un déficit à 8,9% du PIB contre 6% promis, et veut atteindre 5,3% cette année.

Pourtant «il y a des risques que les recettes prévues soient plus faibles», a admis le gouverneur, tandis que les dépenses pourraient être plus élevées que prévu, notamment pour payer les prestations de chômage, dans un pays où près d'un actif sur quatre n'a pas d'emploi.

De quoi compromettre le respect de l'objectif de déficit.

En tout cas, l'Espagne a été à nouveau encouragée par l'Allemagne. «Le gouvernement allemand a confiance dans la voie des réformes sur laquelle s'est engagée l'Espagne», a affirmé le porte-parole du gouvernement, Steffen Seibert.

Après avoir tenté de rassurer les marchés, Luis de Guindos se rendait d'ailleurs mercredi à Berlin pour rencontrer son homologue allemand, Wolfgang Schäuble.