«Akropolis Adieu». Ce n'est pas seulement le titre d'une chanson de Mireille Mathieu, c'est aussi lundi la couverture du prestigieux hebdomadaire allemand Spiegel, illustrée par un temple grec délabré et les débris d'une pièce d'un euro.

Le tabou d'une sortie de la Grèce de l'euro est en effet tombé en Allemagne comme un peu partout en Europe, où la fermeté prévaut vis-à-vis d'Athènes, sommé d'appliquer la rigueur malgré la colère de la rue et le chaos politique dans laquelle le pays a plongé depuis le 6 mai.

Pour les responsables allemands, comme pour ceux de l'Union européenne et même pour la Banque centrale européenne (BCE), la plus fervente avocate d'une zone euro préservée dans ses frontières actuelles, le scénario ne constituerait plus le cataclysme évoqué il y a quelque mois encore.

Le chef de la banque centrale belge, Luc Coene, a ainsi évoqué la possibilité d'un «divorce à l'amiable», dans le Financial Times.

La Une du Spiegel, de sensibilité de centre-gauche, fait elle écho aux déclarations sans appel depuis quelques jours du ministre allemand des Finances, le conservateur Wolfgang Schäuble.

Vendredi dans un entretien à la presse régionale, interrogé sur les risques liés à une sortie de la Grèce de l'euro, il répond: «L'Europe ne sombre pas aussi facilement» et souligne ne pouvoir «forcer personne» à conserver la monnaie unique.

Dimanche, interrogé sur d'éventuels préparatifs de Berlin, M. Schäuble dit au quotidien Die Welt que le gouvernement de la chancelière Angela Merkel serait «un drôle de gouvernement» s'il «ne se préparait pas à tous les cas de figure possibles».

Et lundi il a fait valoir que si une sortie de la Grèce entraînerait «beaucoup de turbulences» pour la zone euro, elle permettrait aussi au pays de dévaluer sa monnaie et soutenir ainsi sa compétitivité.

Longtemps en Allemagne, seuls quelques députés frondeurs et des économistes réputés ultra-libéraux ont agité cette éventualité. Mais face à l'incapacité des responsables politiques grecs à former un gouvernement depuis les dernières législatives, le «Grexit», terme employé sur les marchés financiers pour évoquer une sortie de la Grèce, est devenu un scénario répandu.

La première économie européenne, également première contributrice à tous les plans d'aide à Athènes, en est déjà à calculer la facture. Et elle la juge finalement supportable, grâce à la robustesse actuelle de sa conjoncture.

Pour les économistes de la banque Deka, cités lundi par Die Welt, le coût d'un retrait de la Grèce, synonyme de non-remboursement des aides consenties par Berlin, serait de 86 milliards d'euros, rien que pour les contribuables allemands.

Et il pourrait grimper à plus de 100 milliards d'euros en prenant en compte la part de l'Allemagne au FMI, également un créancier de la Grèce, ainsi que les pertes à éponger chez les banques publiques régionales.

Pour ce qui concerne les banques privées allemandes, la panique n'est pas non plus de mise: la plupart ont «certainement réglé en partie les risques qui seraient liés à la Grèce», explique lundi dans le Handelsblatt, Claudia Buch, l'une des «sages», ces économistes qui conseillent le gouvernement allemand.

Selon Der Spiegel, l'Allemagne se sent même assez forte pour envisager de continuer à verser des aides à la Grèce, une fois celle-ci ayant abandonné la monnaie unique.

Le magazine croit savoir que le gouvernement allemand serait prêt à autoriser une poursuite des versements des aides européennes, non pour financer directement le budget grec, mais pour permettre à Athènes de rembourser des obligations détenues par la BCE.

La Commission européenne a elle assuré lundi qu'elle souhaitait un maintien de la Grèce dans la zone euro mais a une nouvelle fois posé comme condition que le pays respecte les engagements qu'il a pris auprès de ses créanciers. Son président Jose Manuel Barroso avait été plus explicite en disant: «Je ne veux pas parler d'un pays spécifique mais si un pays ne respecte pas les règles, mieux vaut qu'il parte» du «club».

Les ministres des Finances des 17 se réunissent à partir de 15h00 GMT (10h00 à Montréal) à Bruxelles et devraient eux aussi envoyer un message de fermeté à Athènes.