La Grèce, toujours en quête d'un gouvernement, s'affirme disposée à remettre en cause ses engagements de rigueur et cherche le soutien du nouveau président français François Hollande pour écarter le spectre d'une sortie de l'euro.

Il y a une semaine encore, les conservateurs de la Nouvelle Démocratie (ND) et les socialistes du Pasok, qui se partagent le pouvoir depuis 38 ans et gouvernent ensemble depuis novembre 2011, se posaient en garants du maintien du pays dans l'euro via la stricte application de la feuille de route des créanciers du pays, l'UE et le FMI.

Mais les législatives de dimanche ont rebattu les cartes. Le sacre des formations hostiles aux engagements de la Grèce vis-à-vis de ses créanciers ont poussé les responsables socialistes et conservateurs à revoir leur position.

Antonis Samaras, chef de la ND, juge «tout à fait réaliste» une «renégociation» des accords afin de faire «respirer l'économie» et «soulager la société».

Même message de la part de son rival socialiste, l'ex-ministre des Finances Evangélos Vénizélos: respecter le vote des électeurs implique de «chercher le meilleur amendement possible des termes» du programme d'austérité «pour aider au développement (...) et protéger le niveau de vie des citoyens».

Les marchés continuaient d'accuser le coup mercredi, après avoir cédé la veille à l'affolement. La Bourse de New York a ouvert en nette baisse mercredi, celle de Paris cédait 1,07% mercredi après-midi au point d'atteindre son plus bas niveau de l'année en séance, avant de clôturer en léger recul de 0,20%. À Athènes, la Bourse a terminé en baisse de 0,87%.

Malgré la confusion régnant en Grèce, Bruxelles a confirmé mercredi qu'Athènes recevrait comme prévu le 10 mai un versement de 5,2 milliards d'euros de ses créanciers publics, qui a déjà été approuvé. Au-delà, c'est l'incertitude.

«Aucun pays de l'Union européenne ne pourra débloquer ne serait-ce qu'une parcelle de ces 130 milliards d'euros que nous avons mis à la disposition des Grecs s'il n'y a pas de gouvernement en état de fonctionner, qui respecte les règles établies et gère l'argent versé», a mis en garde le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn à Bruxelles.

Le dirigeant de la gauche radicale grecque (Syriza), Alexis Tsipras, ne devrait pas ramener le calme, après avoir envoyé aux créanciers publics -- FMI, Commission européenne, BCE - une lettre expliquant que le verdict populaire rend caducs les engagements du pays.

Il a même demandé à rencontrer le président français Francois Hollande, traduisant l'espoir que suscite en Grèce la victoire du candidat socialiste favorable à une réorientation de l'Europe vers une politique de croissance.

S'il se rend à Paris, M. Tsipras s'entretiendra avec le dirigeant du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon qu'il avait soutenu pour la présidentielle.

Mais les appels au respect des engagements de la Grèce et à la poursuite de la rigueur se multiplient, à commencer par Berlin.

«Si la Grèce veut rester, et la grande majorité des Grecs veut rester (dans l'euro), il n'y a pas de meilleure voie que celle que nous avons choisie. On ne peut pas avoir l'un (le sauvetage financier et l'euro) sans l'autre», a prévenu le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, lors d'un colloque à Bruxelles.

Et Jörg Asmussen, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE) n'a pas mâché ses mots lors d'une déclaration au quotidien Handelsblatt: «il doit être clair pour la Grèce qu'il n'y a pas d'alternative au programme d'assainissement convenu si elle veut rester membre de la zone euro».

À Paris, le ministre sortant des Affaires étrangères, Alain Juppé, juge la situation en Grèce «extrêmement préoccupante», ajoutant que «les mises en cause des traités difficilement négociés (...) risquent de provoquer des turbulences difficilement contrôlables».

Le Syriza a été propulsé deuxième force politique par l'effondrement des deux partis historiques pro-rigueur à 32% des suffrages. Les cinq autres formations entrées au Parlement, hostiles à l'austérité, rassemblent 151 sièges sur 300, mais sans perspective d'alliance.

Si Pasok et Nouvelle Démocratie (ND) ont bien pris le virage d'une renégociation des engagements de la Grèce, ils insistent sur l'impératif d'un maintien du pays dans l'euro, accusant M.Tsipras de jouer avec le feu.

Après l'échec lundi de M. Samaras, en tant que dirigeant du premier parti, à former un gouvernement, c'est le leader du Syriza, qui s'attelle à cette tâche quasi impossible. Il doit rencontrer MM. Samaras et Vénizélos mercredi soir.

S'il échoue, ce sera au tour de M. Vénizélos, en tant que chef du troisième parti, d'organiser un troisième et dernier tour de table avant une ultime réunion solennelle de tous les partis chez le chef de l'État. Sans accord de gouvernement, le pays va vers de nouvelles élections.

La Grèce «a une marge de renégociation» sur le contenu des mesures d'austérité, mais «si nous disons 'non' à tout, nous sortons de la zone euro», a prévenu Ghikas Hardouvelis, conseiller au gouvernement sortant de Lucas Papademos.