Groupe Pages Jaunes (GPJ), plus important éditeur d'annuaires téléphoniques au Canada, a cessé de verser ses contributions au fonds créé en 2005 par la Loi sur la qualité de l'environnement (LQE) afin de soutenir financièrement la collecte sélective dans les municipalités du Québec.

La société refuse de payer le 1,747 million dû pour 2008 et 2009 et exige le remboursement des 2,254 millions acquittés en 2006 et 2007. Les montants pour 2010, 2011 et 2012 ne font pas encore partie du litige parce qu'ils n'ont été publiés par décrets qu'hier.

Dans une requête déposée la semaine dernière en Cour supérieure que La Presse Affaires a obtenue, Groupe Pages Jaunes soutient que la LQE ne s'applique pas à lui parce qu'il est un joueur réglementé du secteur des télécommunications de juridiction fédérale. Conséquemment, les décrets adoptés par le gouvernement québécois établissant les tarifs qui fixent les contributions de GPJ sont inapplicables, soutient l'entreprise.

Groupe Pages Jaunes argue que le CRTC l'oblige par règlement à publier et à fournir gratuitement des annuaires aux clients de Bell.

Or, le régime de compensation mis en force par la LQE «constitue une entrave importante pour GPJ dans son accomplissement de la publication et la distribution d'annuaires téléphoniques», écrit le cabinet montréalais Norton Rose, représentant de la société. «Il est un principe bien établi en droit constitutionnel canadien que l'application d'une loi provinciale ne doit pas entraver l'exploitation d'une entreprise fédérale», ajoute-t-il.

Qui plus est, disent les avocats, les décrets adoptés par Québec sont invalides parce que l'organisme intermédiaire chargé de fixer la contribution de GPJ, Éco Entreprises Québec (ÉEQ), n'a pas pris en considération tous les critères édictés par la LQE.

«Il est bien établi que les décrets adoptés par le gouvernement sans respecter la loi sont nuls et peuvent être annulés», avance GPJ.

L'entreprise conteste entre autres la façon dont ÉEQ détermine la contribution pour «la matière annuaire». Elle reproche notamment à Éco Entreprise Québec d'utiliser des variables du marché ontarien.

«Il est manifeste que les données employées par ÉEQ ne reflètent aucunement la réalité québécoise, ce qui rend le tarif arbitraire et, dans le cas de son application à GPJ, injuste et inéquitable.»

«Si GPJ est heureuse (sic) de participer à la gestion des matières résiduelles au Québec en contribuant financièrement à la collecte sélective municipale, elle (sic) déplore le fait que le modèle québécois... ne suive pas les principes de base de ce type de programme puisque l'allocation des contributions est faite en fonction d'une méthodologie et de données partielles, étrangères ou périmées», ajoute la société.

D'après GPJ, le programme québécois n'est pas basé pas le coût réel de la récupération d'un produit. L'entreprise en donne pour preuve le fait que sa contribution annuelle par kilogramme de papier annuaire au Québec est «au moins 400%» plus élevée qu'en Ontario.

«La différence entre les coûts au Québec et en Ontario est d'autant plus difficile à comprendre que, dans l'ensemble, les coûts nets de recyclage au Québec pour la catégorie emballage sont inférieurs aux coûts de cette même catégorie en Ontario.»

GPJ soutient que Éco Entreprises Québec est consciente de ce problème depuis 2005, que l'organisme lui a indiqué «que le tarif au Québec allait suivre le modèle ontarien» et que Groupe Pages Jaunes s'est fondé «sur ces représentations afin d'effectuer ses projections budgétaires».

Si d'aventure la Cour supérieure rejetait ses prétentions au sujet de la constitutionnalité à son endroit des décrets québécois, ou de leur nullité, Groupe Pages Jaunes lui demande de déclarer que ÉEQ a mal catégorisé la nature de ses activités et qu'elle l'oblige à réduire «substantiellement» le montant dû de plus de 4 millions.

Dans un courriel, Marie-Andrée Prénoveau, directrice des communications de ÉEQ, a confirmé les informations de La Presse Affaires et a déclaré que «le dossier a été transmis pour étude à nos avocats. ÉEQ n'a pas d'autres commentaires à émettre à ce sujet pour l'instant.»