Les pays de la zone euro se sont mis d'accord vendredi au terme de difficiles tractations pour renforcer leur fonds de secours financier afin de se protéger d'une répétition de la crise de la dette, mais en optant pour une option minimaliste.

Réunis à Copenhague, les ministres des Finances de l'Eurogroupe ont annoncé dans un communiqué mettre en place un «pare-feu» d'un montant total de 800 milliards d'euros - soit 1.000 milliards de dollars - visant à protéger durablement les pays fragiles.

La directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, a salué cette décision qui «soutiendra les efforts» de son institution «pour accroître ses ressources disponibles au profit de tous (ses) membres».

Comme plusieurs pays émergents du G20, le FMI avait fait du renforcement du filet de sécurité européen une condition avant d'envisager toute augmentation de son propre soutien à l'Union monétaire.

Néanmoins, les 800 milliards d'euros affichés sont à prendre avec précaution car cette somme inclut 300 milliards d'euros déjà octroyés ou promis aux trois pays ayant bénéficié d'un programme d'aide: la Grèce, l'Irlande et le Portugal. En réalité, le fonds ne pourra pas prêter plus de 500 milliards d'euros, soit l'option la moins ambitieuse envisagée.

«Cela ne va pas vraiment soutenir les marchés qui comptent toujours sur le Banque centrale européenne (BCE) pour disposer d'un véritable pare-feu», estime Jessie Derrick, économiste pour la banque britannique HSBC.

«La décision prise est un parfait compromis européen. Elle va aussi loin que le gouvernement allemand était prêt à aller et correspond au minimum attendu par la plupart des autres pays de la zone euro», résume l'analyste de la banque ING, Carsten Brzeski.

Les pays de la zone euro ont été divisés jusqu'au bout entre partisans d'une solution maximaliste et tenants d'une option basse, pour limiter les coûts de ce renflouement.

Berlin a ainsi refusé que la capacité de prêts totale du dispositif de secours financier de la zone euro soit porté à 940 milliards d'euros, en additionnant le Mécanisme européen de stabilité (MES) et la totalité du fonds de soutien temporaire, le FESF, comme le demandaient l'OCDE, la France et la Commission européenne.

La Finlande était sur la même ligne. Cette option «n'est pas envisageable pour nous», a fait savoir vendredi sa ministre des Finances Jutta Urpilainen.

La solution retenue propose de cumuler les 500 milliards du mécanisme permanent aux quelques 200 milliards déjà engagés du fonds temporaire pour atteindre un «plafond» de prêts de 700 milliards d'euros. A cette somme, la zone euro a ajouté une centaine de milliards d'euros de prêts anciens pour pouvoir afficher son enveloppe globale de 800 milliards.

«Il faut prendre en compte la charge que cela représente pour les autres Etats membres», a affirmé vendredi Jan Kees de Jager, le ministre néerlandais des Finances.

La réunion cruciale de Copenhague a été le théâtre d'un mini-psychodrame: le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker a annulé une conférence de presse prévue en mi-journée, mécontent que la ministre autrichienne des Finances, Maria Fekter, lui ait grillé la priorité en annonçant avant lui l'accord final.

«Juncker est furieux», a indiqué à l'AFP une source diplomatique.

Le débat sur le renforcement du pare-feu a pris un relief particulier du fait des dérapages budgétaires de l'Espagne et de l'inquiétude que le pays suscite.

«L'Espagne est dans une situation difficile», a reconnu le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, en marge de la réunion de l'Eurogroupe. «Mais le pays a de nombreux atouts pour assainir ses finances», a-t-il souligné.

Le gouvernement espagnol a approuvé son projet de budget pour 2012, qui prévoit plus de 27 milliards d'euros d'économies et de nouvelles recettes, notamment via le gel des salaires des fonctionnaires et une baisse des budgets des ministères de 16,9% en moyenne.

L'Espagne s'est engagée à réduire d'ici fin 2012 son déficit public, de 8,51% à 5,3% du PIB, mais cet objectif ne sera «pas atteint à n'importe quel prix», a prévenu une porte-parole du gouvernement.

Autre motif d'inquiétude: la Grèce n'exclut pas d'ores et déjà d'avoir besoin d'un troisième plan d'aide à partir de 2015, alors qu'elle vient juste d'obtenir le deuxième.

Sur un autre volet, la réunion de l'Eurogroupe a décidé de reporter une série de nominations à des postes clés, à commencer par celle d'un nouveau membre pour le directoire de la Banque centrale européenne (BCE).

Le Luxembourgeois Yves Mersch devait à l'origine être désigné vendredi à ce poste. Mais sa nomination est liée aux autres postes en jeu non encore attribués, notamment celui de patron de l'Eurogroupe qui semble promis à l'Allemand Wolfgang Schäuble. Une décision sur le poste à la BCE doit être prise au plus tard «mi-avril», selon un diplomate.