C'est en manifestant un optimisme prudent que les ministres des Finances européens ont commencé leurs travaux, hier après-midi, dans le but de ficeler un deuxième plan de sauvetage d'au moins 130 milliards d'euros, sans lequel la Grèce ne pourra rembourser 14,4 milliards de sa dette qui arrive à échéance le 20 mars.

Conscients qu'ils sont condamnés à s'entendre cette fois-ci bien qu'il reste beaucoup de boulot à abattre, ils paraissaient déterminés à réussir cette séance-marathon de travail. «Jusqu'au tout dernier moment, la négociation se poursuit, a indiqué le ministre des Finances grec, Evangelos Venizelos, dans une déclaration officielle. Des problèmes techniques sont abordés, des paramètres particuliers sont examinés. Des préférences ou des priorités des partenaires institutionnels et des États membres animent le climat des pourparlers. Mais que tout cela sera finalement résolu.»

Le premier ministre grec, Lucas Papademos, est quant à lui arrivé dans la capitale européenne dimanche soir afin de faciliter les négociations.

Le président du Conseil des ministres des Finances de la zone euro, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a pour sa part écarté toute équivoque: «Je suis d'avis que nous devons maintenant livrer, parce qu'il ne nous reste plus de temps.»

Ses homologues français et allemand, François Baroin et Wolfgang Schaeuble, ont affiché leur volonté de conclure un accord, tandis que le Néernandais Jan Kees de Jager a dit chercher une forme de supervision de la Grèce par la troïka formée de l'Union européenne (UE), de la Banque centrale européenne (BCE) et du Fonds monétaire international (FMI).

La BCE et le FMI

L'engagement de la BCE et du FMI dans ce deuxième plan de sauvetage (le premier adopté en mai 2010 était de 110 milliards d'euros) est sans doute ce qui fait l'objet des plus nombreuses rumeurs et conjectures.

Dans le premier plan de sauvetage, tout comme dans ceux de l'Irlande et du Portugal, le FMI avait avancé le tiers des fonds. Jusqu'ici, sa directrice générale, Christine Lagarde, qui participe aux négociations, s'est contentée d'affirmer que le FMI contribuerait au sauvetage, sans préciser la hauteur de sa mise. Le Wall Street Journal a rapporté qu'elle pourrait être limitée à 10%, ce qui fait sourciller plusieurs ministres.

La semaine dernière, le FMI a indiqué que la Grèce ne parviendrait pas à ramener de 160% à 120% d'ici à 2020 le ratio de sa dette à la taille de son économie, condition jugée pourtant essentielle à l'attribution de toute nouvelle aide. Les simulations de l'organisme établi à Washington montraient plutôt 129%, un niveau jugé insoutenable.

Comment le ramener à 120% alors que la Grèce amorce sa cinquième année de récession, que sa décroissance s'accélère et qu'on vient de forcer ses citoyens à de cruels sacrifices pendant au moins deux ans encore?

La BCE pourrait entrer en scène. Elle détient environ 13 milliards d'obligations grecques, achetées à prix bradé de banques commerciales en quête de liquidités. La BCE entend se faire rembourser la pleine valeur faciale de ces obligations. Elle pourrait cependant refiler ses profits aux banques centrales nationales de la zone euro qui pourraient à leur tour consentir des pertes sur leurs obligations grecques.

Du coup, la Grèce en aurait un peu moins à rembourser sur les quelque 110 milliards de sa dette détenus par des créanciers souverains (Fonds européen de stabilité financière, ou FESF, et FMI).

Ses prêteurs privés auraient déjà quant à eux consenti à troquer leurs créances de quelque 200 milliards contre de nouvelles obligations de 30 ans portant un taux estimé à 3,6% et une valeur faciale diminuée de près de 70%.

Des rumeurs font aussi état de la possibilité que les taux d'intérêt des prêts accordés par le FMI et le FESF soient diminués.

On réclame aussi que l'argent prêté à Athènes soit déposé dans un compte bloqué devant servir avant tout au service de sa dette.

Certains ministres européens exigent aussi une supervision par la troïka d'une rénovation des institutions grecques et de la mise en place du plan d'austérité, voté il y a une semaine et qui a suscité de violentes manifestations.

Le plan prévoit notamment des hausses de taxes, une forte diminution du salaire minimum, l'élimination des pécules de vacances équivalant à un ou deux mois de salaire, la réduction de l'effectif de la fonction publique et une baisse de 20% des prestations de retraite au-delà des 1000 euros par mois.

On veut aussi qu'Athènes soit capable de mettre fin à l'évasion fiscale généralisée et de poursuivre un programme de privatisations. Jusqu'ici, elle n'a pas rempli ses engagements.

Sondage après sondage, les Grecs montrent malgré tout leur grand attachement à l'euro. Sans doute réalisent-ils que le prix à payer pour restaurer la drachme serait encore plus élevé que les sacrifices qu'on les oblige à faire.