Le Régime d'encouragement à l'éducation permanente (REEP) est si peu connu que les institutions financières ont elles-mêmes besoin d'éducation à ce sujet.

C'est ce dont Martine s'est aperçue, l'été dernier. «Le conseiller m'a dit qu'il ne connaissait rien là-dessus et qu'il se renseignerait auprès d'un conseiller expérimenté, relate-t-elle. Il m'a rappelé pour me dire que personne n'avait encore utilisé ce programme.»

Âgée de 45 ans, elle a entrepris en septembre un diplôme d'études supérieures spécialisées en réadaptation en déficience visuelle à l'Université de Montréal. Pour ce cours d'un an à temps plein, suivi d'un stage de deux mois en milieu de travail, elle a retiré 10 000$ de ses REER.

«J'ai fait la procédure, ça a fonctionné et ça a été très rapide, sauf que je n'ai aucune idée de comment ça va fonctionner au moment de rembourser», constate-t-elle.

Elle avait déjà utilisé le RAP pour l'achat d'une propriété, et elle envisage de répéter bientôt l'opération pour l'achat d'une nouvelle maison. Son premier RAP a été remboursé il y a plus de plus de cinq ans.

«J'ai appris que je peux à nouveau adhérer au RAP même si j'ai déjà un REEP en cours», dit-elle.

Dans quelles conditions s'effectuera le remboursement de son REEP? Comment planifier cet éventuel second RAP?

Petit abrégé du REEP

Le Régime d'encouragement à l'éducation permanente (REEP) autorise un retrait du REER sans impact fiscal pour financer des études postsecondaires, explique la planificatrice financière et fiscaliste Natalie Hotte, expert-conseil chez Banque Nationale - Gestion privée 1859.

Ce retrait doit s'appliquer aux études du contribuable ou de son conjoint, pour une formation à temps plein, dans un programme admissible donné par un établissement agréé.

L'étudiant doit être inscrit à ce programme au moment du retrait, ou avoir reçu une lettre d'admission l'invitant à s'inscrire avant mars de l'année suivante.

Le retrait est limité à 10 000$ par année, pour un total cumulatif maximal de 20 000$ en quatre ans.

Pour sa formation étalée sur un peu plus d'un an, Martine a donc retiré en 2011 le maximum autorisé de 10 000$.

«Il n'est pas nécessaire que le retrait serve directement à payer les comptes reliés aux études, souligne Natalie Hotte. L'argent peut être utilisé à d'autres fins.»

Il faudra quand même rembourser la somme au REER.

Ce remboursement s'étalera sur un maximum de dix ans, à raison d'au moins 1/10 du retrait chaque année - soit 1000$ pour Martine.

Il doit commencer au plus tard dans la cinquième année qui suit le premier retrait du REER. Mais ce peut être plus tôt: pour déterminer si l'étudiant doit commencer son remboursement, l'Agence du revenu du Canada vérifie sur sa déclaration de revenus s'il a eu droit au montant relatif aux études comme étudiant à temps plein pendant au moins trois mois.

S'il n'a pas droit à ce montant pendant deux années consécutives, le remboursement doit commencer pendant la seconde année.

C'est la seconde limite qui s'appliquera pour Martine. Elle a commencé ses cours en septembre 2011 et les terminera en juillet 2012.

Elle aura droit au montant relatif aux études en 2011 et 2012, mais pas en 2013 ni en 2014. Elle devra donc commencer son remboursement en 2014.

«Pour rembourser, elle devra verser une cotisation à son REER dans l'année du remboursement ou dans les 60 jours de l'année suivante, tout comme pour une cotisation REER régulière, explique notre planificatrice. Le remboursement peut se faire dans n'importe lequel de ses REER auprès de n'importe quelle institution financière, ou même dans un nouveau REER.»

Nuire au REER?

Un conseiller avait expliqué à Martine que son retrait de 10 000$ dans le cadre du REEP, tout comme le retrait RAP qu'elle planifie, allait probablement amputer son REER et nuire à sa retraite. Il est vrai que le REER se trouvera moins garni que si aucune somme n'en avait été soustraite.

«Cependant, il est important de considérer que ce n'est pas d'utiliser son REER pour financer un projet qui peut avoir un impact sur sa retraite, mais plutôt le projet lui-même», fait valoir Mme Hotte. Car à défaut du RAP ou du REEP, le projet sera sans doute financé par emprunt, lequel amoindrira la capacité d'épargne et influera négativement sur la retraite. C'est donc d'abord le projet - études, maison - qui doit être évalué en regard des capacités financières et des objectifs de retraite. Une fois ce projet validé, il s'agira de trouver la manière la plus rentable de le financer: emprunt, RAP, REEP?

«Le coût d'utilisation d'un REER pour financer des projets autres que la retraite est le rendement auquel on renonce dans le REER tant que les sommes retirées ne sont pas remboursées», décrit Natalie Hotte.

Au moment de commencer le remboursement de son REEP, un planificateur financier pourra aider Martine à préciser sur quelle période l'étaler, si l'achat d'une maison est réaliste et à quel prix, et comment le financer à moindre coût, sans négliger ses projets de retraite.

RAP et REEP sans répit?

Martine a raison, le REEP et le Régime d'accession à la propriété (RAP) sont deux programmes indépendants. L'un n'empêche pas l'autre... dans la mesure où les fonds dans le REER sont suffisants.

«Vous pouvez participer au (RAP) même si vous avez déjà retiré des montants de vos REER dans le cadre du REEP et que vous ne les avez pas encore remboursés en entier», précise Natalie Hotte.

Martine pourra donc utiliser le RAP à nouveau... si elle répond aux critères. Car il ne suffit pas qu'elle ait remboursé son dernier RAP. Elle doit également être considérée comme acheteuse d'une première habitation. Ni elle ni un éventuel époux ou conjoint de fait ne doivent avoir été propriétaires d'une habitation qu'ils ont occupée comme lieu principal de résidence durant les quelque cinq ans précédant le retrait RAP.

«Comme le projet d'achat d'une maison est prévu seulement dans quelques années, c'est à ce moment qu'on devra vérifier si elle se qualifie», conclut la planificatrice financière.

LA SITUATION

Martine a entrepris des études d'une durée d'un an en septembre dernier. Elle a retiré 10 000$ de son compte REER en profitant du Régime d'encouragement à l'éducation permanente (REEP). Mais elle ignore comment s'effectuera le remboursement, et si elle pourra faire le second RAP qu'elle planifie.

Les données

Martine, 45 ans

Retour aux études: septembre 2011

Fin des études: juillet 2012

Retrait avec le REEP: 10 000$

L'analyse de Natalie Hotte, planificatrice financière et fiscaliste, expert-conseil chez Banque Nationale - Gestion privée 1859

Martine devra commencer le remboursement de son REEP en 2014, à raison de 1/10e du retrait de 10 000$ chaque année, soit 1000$. Martine pourra faire un retrait RAP même si le retrait REEP n'est pas encore remboursé en entier. Elle devra cependant répondre aux critères d'admissibilité.

»Un peu comme un RAP, le REEP permet à un particulier admissible de retirer des fonds de son REER en franchise d'impôt pour couvrir le coût de sa formation ou de ses études à temps plein ou de celles de son conjoint.»

Photo Édouard Plante-Fréchette, La Presse

Natalie Hotte, planificatrice financière et fiscaliste, expert-conseil chez Banque Nationale - Gestion privée 1859.