En proposant de mettre la Grèce sous tutelle budgétaire de l'UE, la chancelière allemande Angela Merkel n'a pas seulement braqué Athènes mais aussi donné du grain à moudre à ceux qui, notamment à gauche, dénoncent une Europe de plus en plus «à l'heure allemande».

La proposition allemande consiste à faire accepter à Athènes «un transfert de souveraineté budgétaire au niveau européen pendant une certaine période», compte tenu des résultats «décevants» à ce jour des gouvernements Papandréou et Papademos à remplir leurs engagements de réduction de la dette.

Révélée au cours du week-end, juste avant le sommet européen de lundi, l'idée a été d'emblée rejetée par les responsables grecs.

Le ministre grec des Finances, Evangélos Vénizélos, a appelé dimanche l'Europe à respecter «l'identité nationale» de son pays et le principe d'égalité entre États de l'UE.

«Je crois que nous avons besoin de plus de démocratie, pas de moins de démocratie» en Europe, a renchéri l'ancien Premier ministre grec Georges Papandréou, leader du PASOK (parti socialiste grec), toujours membre du gouvernement d'unité nationale au pouvoir.

Ils ont reçu lundi le soutien de plusieurs de leurs homologues européens.

«Vexante», la proposition allemande «n'apporte rien et ne va pas dans le bon sens», a tranché le chancelier social-démocrate autrichien Werner Faymann en marge d'une réunion des socialistes européens à Bruxelles.

«Attention à ne pas blesser plus que nécessaire» le peuple grec, a abondé le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, pour qui prôner une mise sous tutelle de la Grèce n'est «pas très sain».

«Évidemment qu'il faut faire de la rigueur, on doit faire attention à nos déficits budgétaires, mais la façon dont l'Allemagne nous fait la leçon en nous disant ma méthode est la meilleure et la seule, est assez désagréable», accuse aussi l'écologiste belge Isabelle Durant.

La proposition allemande risque de fait d'alimenter un retour perceptible de la germanophobie dans certains pays, à commencer par la Grèce, mais pas uniquement. Elle pourrait être utilisée par ceux qui, comme certains socialistes français, dénoncent depuis plusieurs mois la gestion allemande de la crise de la dette axée uniquement sur la rigueur budgétaire.

Fin novembre déjà, le candidat socialiste à la présidence française François Hollande avait estimé que la chancelière allemande essayait «d'imposer un modèle européen qui n'est pas nécessairement le nôtre».

À sa gauche, Arnaud Montebourg a accusé Mme Merkel de mener «une politique à la Bismarck» en faisant «fortune» sur «la ruine» des autres pays de la zone euro, et Jean-Luc Mélenchon avait dénoncé son «diktat».

De facto, la Grèce est déjà placée sous tutelle partielle de ses créanciers publics qui ont négocié avec elle plusieurs programmes d'économies budgétaires et de réformes et évaluent leur respect à intervalle régulier, avant tout nouveau déboursement de prêts.

Mais la proposition de Berlin va plus loin. Elle prévoit notamment de donner à un «commissaire budgétaire européen» le droit de veto sur des décisions politiques d'Athènes qu'il jugerait trop dépensières.

À la tête de la première économie de la zone euro - et par conséquent du principal contributeur aux plans d'aide européens aux pays en difficulté -, Mme Merkel cherche surtout à se justifier face à son opinion publique.

«C'est une question de réciprocité», arguait récemment le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle en soulignant que son pays avait déjà mis des «sommes gigantesques» sur la table.

«On ne peut pas expliquer aux contribuables allemands qu'ils doivent faire des choses que d'autres ne veulent pas faire, tout en demandant de l'argent aux contribuables allemands» pour aider ces autres, a-t-il martelé.