Après avoir obtenu la permission d'intervenir directement à l'occasion de l'audition de plaintes de pratiques antisyndicales contre Couche-Tard, la CSN fait volte-face à la suite du dépôt par le géant du dépanneur, ces derniers jours, d'un appel et d'une demande de sursis devant la Cour supérieure, a appris La Presse Affaires.

La CSN a préféré se retirer des auditions devant débuter demain - un droit que lui avait pourtant accordé un juge administratif de la Commission des relations du travail (CRT) le 21 décembre dernier - par crainte que la Cour supérieure accueille le sursis devant être plaidé la semaine dernière et que les travaux de la CRT soient paralysés pendant de longs mois jusqu'à une décision.

Joint au téléphone, Éric Lévesque, un des avocats au dossier pour la centrale syndicale, a confirmé nos informations.

La Fédération du commerce (FC), affiliée à la CSN et également désignée comme partie intéressée par la décision de la CRT de décembre, abandonne également sa volonté d'intervenir directement, a précisé Me Lévesque.

Seuls deux syndicats locaux et certains de leurs membres seront donc entendus par la CRT lors des auditions réparties sur 12 jours prévues à compter de demain.

La Commission examinera à cette occasion des plaintes au sujet de la fermeture de deux dépanneurs nouvellement syndiqués - rue Saint-Denis et rue Jean-Talon à Montréal - et d'une vidéo corporative dans laquelle le grand patron de Couche-Tard, Alain Bouchard, évoque la possibilité de fermetures liées à la syndicalisation.

Selon les syndicats, en procédant comme elle l'a fait, la société et son principal dirigeant se sont rendus coupables «d'entrave, d'intimidation et de menaces» niant le droit d'association de ses employés.

Par ses requêtes en révision judiciaire et en sursis devant la Cour supérieure - qui ne seront pas entendues vu les désistements, a précisé Me Lévesque -, Couche-Tard voulait notamment empêcher la CSN et la FC de mettre la main sur des documents financiers versés au dossier de la CRT mais seulement accessibles aux parties intéressées en raison d'une ordonnance de confidentialité.

«...si cette Cour n'intervient pas immédiatement, la CSN et la FC seraient toujours parties au dossier et obtiendraient des renseignements auxquels elles n'ont pas droit en vertu de l'ordonnance de mise sous scellé», écrivent les avocats de Couche-Tard.

Selon l'entreprise, cette information «stratégique et hautement confidentielle [...] créerait un avantage important et indu à la CSN et à la FC dans leur campagne de syndicalisation».

Voilà pourquoi elle demandait un sursis le temps que la Cour supérieure se penche sur le bien-fondé de sa requête principale, soit le renversement de la décision de décembre de la CRT.

Couche-Tard plaide que le Code du travail ne reconnaît à titre de parties intéressées pour le dépôt de plaintes que les salariés ou les associations de salariés, comme le sont les syndicats locaux et leurs membres dans le présent dossier.

La CSN et la FC, cependant, ne correspondent pas à cette définition parce qu'elles sont plutôt composées de syndicats. Elles ne peuvent donc se constituer en intervenants directs, d'après la société.

Couche-Tard a d'abord contesté l'éligibilité ou «l'intérêt juridique» de la CSN et de la FC, en septembre, lors d'une requête préliminaire devant la CRT.

La société a ensuite obtenu, en novembre, la stricte confidentialité de certains documents déposés à la demande des syndicats. Mais la CSN et la FC n'ont pas eu accès à ces pièces puisque le tribunal n'avait pas encore tranché la question de leur «intérêt juridique». Les autres plaignants - les syndiqués et les syndicats locaux - ont pu en prendre connaissance, mais sans les partager avec les organisations centrales.

La Presse Affaires a tenté sans succès d'avoir des commentaires des avocats de Couche-Tard.