Les dirigeants européens ont adopté lundi soir un nouveau pacte pour renforcer leur discipline budgétaire et appelé à finaliser dans les prochains jours un accord pour sauver la Grèce de la faillite, dans l'espoir de commencer à tourner la page de la crise de la dette.

Leur sommet à Bruxelles a toutefois été assombri par une controverse autour d'une proposition allemande visant à placer la Grèce sous une stricte tutelle budgétaire européenne. Elle a été sèchement rejetée par plusieurs pays, dont la France.

Au final, vingt-cinq des vingt-sept pays de l'Union européenne ont accepté un nouveau traité de discipline budgétaire. La République tchèque est venue au dernier moment rejoindre la Grande-Bretagne dans le front du refus, en invoquant des problèmes «constitutionnels». En clair des difficultés à faire ratifier le texte du fait du risque de devoir convoquer un référendum.

Les autres États ont accepté d'inscrire dans leurs législations une règle d'or sur le retour à l'équilibre budgétaire et des sanctions quasi-automatiques en cas de dérapages des déficits publics, comme le voulait à tout prix l'Allemagne en échange d'une poursuite de sa solidarité financière avec les pays en difficulté.

Le traité doit désormais être signé lors du prochain sommet de mars avant les longues phases de ratification.

Ce pacte budgétaire butait encore notamment sur le format des sommets de la zone euro.

La France et la Pologne se sont livrées à un bras de fer avant de trouver un compromis: Paris tenait à ce que les dix-sept pays utilisant la monnaie commune puissent se retrouver seuls entre eux sur certains sujets. Varsovie estimait que tous les pays appelés à rejoindre l'euro devaient être invités.

Au final, les sommets de la zone euro seront limités aux pays de l'Union monétaire, sauf sur certains sujets où les autres États n'en faisant pas partie pourront aussi être conviés.

Nombre de pays européens espèrent que ce traité encouragera la Banque centrale européenne à faire davantage à l'avenir pour aider la zone euro face à la crise de la dette.

Il pourrait aussi convaincre la chancelière allemande Angela Merkel de renforcer les moyens du Fonds de secours permanent de la zone euro pour les pays fragiles, le MES, qui a été officiellement mis sur les rails lundi soir et commencera à fonctionner en juillet.

«Nous sentons une évolution dans la position de l'Allemagne et je suis optimiste», a déclaré le chef du gouvernement italien Mario Monti, car «il est important que la dotation de ce Fonds soit adaptée». Berlin est sous pression pour accepter une hausse des moyens du mécanisme de 500 à 750 milliards d'euros. La question sera tranchée en mars.

En attendant, les dirigeants européens ont dû se pencher une nouvelle fois sur la situation de la Grèce, après que Berlin a jeté un pavé dans la mare en proposant de placer Athènes sous stricte tutelle: un commissaire européen disposerait d'un droit de veto sur les décisions budgétaires du gouvernement.

Cette idée a été rejetée catégoriquement par la France. Le président Nicolas Sarkozy a jugé que ce ne serait «pas raisonnable, pas démocratique et pas efficace».

Athènes ne veut pas en entendre parler. «Soit nous avançons sur la voie démocratique où chaque pays est responsable de sa propre politique, soit nous sapons la démocratie dans l'Europe entière», a réagi Georges Papandréou, le chef de file des socialistes grecs et ex-premier ministre.

Face à cette fronde, la chancelière allemande Angela Merkel a tenté de calmer le jeu, sans pour autant se désavouer.

La question d'une surveillance accrue des décisions du gouvernement grec «se pose» car les réformes promises ne sont pas toutes mises en oeuvre, a-t-elle dit. «Le débat doit porter sur «comment l'Europe peut aider à ce qu'en Grèce les tâches qui ont été données soient effectuées», a-t-elle estimé.

L'enjeu n'est pas mince: il s'agit du déblocage du second plan d'aide au pays d'un montant de 130 milliards d'euros, promis par les Européens en octobre dernier. Cette aide est vitale pour la Grèce qui doit rembourser 14,5 milliards d'euros de prêts le 20 mars, faute de quoi elle sera en cessation de paiements.

Mais le pays doit en parallèle boucler des négociations avec ses créanciers privés pour réduire sa dette de 100 milliards d'euros, condition sine qua non au déblocage de l'aide européenne. Sur ce point, cela avance «dans la bonne direction», a indiqué le président français, qui a lancé un appel du pied à la BCE pour qu'elle accepte aussi une réduction de ses propres créances.

L'UE a appelé à un accord global avant la fin de la semaine, incluant les banques et le nouveau programme de prêts. Une réunion séparée sur la situation en Grèce s'est tenue tard dans la soirée, après le sommet, entre le premier ministre grec, Lucas Papademos, et plusieurs responsables européens, dont un de la BCE.

Souhaitant tourner la page de la crise de la dette, les chefs d'État et de gouvernement de l'UE ont par ailleurs évoqué des pistes pour relancer la croissance et l'emploi, des jeunes notamment. Les fonds européens doivent être mieux utilisés dans cette perspective et la Commission européenne va mener des missions en ce sens dans les huit pays les plus touchés.