Johanne est à 12 ans de sa retraite. Si possible. Âgée de 48 ans, elle aimerait cesser de travailler à 60 ans. En prend-elle la direction?

Elle travaille dans le secteur de la santé, où elle touche un salaire annuel de 61 000$. Elle participe au régime de retraite des employés du gouvernement - le RREGOP - depuis bientôt 20 ans.

À 60 ans, sa rente de retraite s'établirait à environ 38 400$, sans pénalité.

Johanne cotise assidûment à son REER, dans lequel elle a accumulé 68 000$. Chaque année, elle y dépose le maximum admissible et n'a aucun droit inutilisé. «Quelqu'un m'a déjà dit: si tu ne cotises pas à ton REER, c'est comme si le gouvernement t'appelait en février pour te demander si tu voulais recevoir 2000$ et que tu refusais», raconte-t-elle.

Célibataire, elle voyage une ou deux fois par année, et elle entend maintenir son coût de vie actuel.

«Est-ce que je pourrais prendre ma retraite à 60 ans et avoir une retraite confortable?», demande-t-elle. «Et peut-être même plus tôt?»

Son régime de retraite suffira-t-il? Doit-elle continuer à cotiser à son REER?

La planificatrice et actuaire Nathalie Bachand, du bureau Bachand Lafleur Preston Groupe Conseil, a fait les calculs nécessaires.

Première étape: déterminer le fameux coût de vie.

Après impôts, charges sociales, assurances collectives et cotisation maximale au REER, le revenu disponible de Johanne s'établit à 37 000$. C'est la somme que la planificatrice retient comme budget de retraite.

Elle y applique, comme pour l'ensemble de sa projection, une indexation de 2,25%, en accord avec les normes de l'Institut québécois de planification financière (IQPF).

Si Johanne ne participait à aucun régime d'employeur, elle pourrait verser dans ses REER 18% de son revenu de 61 000$, soit environ 10 900$. Mais ses contributions et celles de son employeur au régime complémentaire de retraite, pris en considération dans le calcul d'un facteur d'équivalence, réduisent ces droits de cotisation à environ 3800$ par année.

La discipline

Notre conseillère suppose donc que Johanne maintiendra sa rigoureuse discipline et versera cette somme maximum chaque année dans son REER. Elle projette également un versement supplémentaire de 1000$ par année dans le CELI, dans lequel elle détient déjà 8000$.

À ces épargnes est appliqué un rendement de 3,75% par année, comme prescrit par l'IQPF pour un profil d'investisseur prudent comme celui-là.

À 60 ans, elle aura ainsi accumulé 170 000$ en REER et 45 000$ en CELI.

Au même âge, le RREGOP lui versera une rente estimée à 38 400$ en dollars d'aujourd'hui. «Elle sera réduite d'environ 10 600$ à compter de 65 ans pour tenir compte de la coordination avec la RRQ», explique Nathalie Bachand. La valeur de cette rente, c'est-à-dire l'épargne que Johanne aurait dû accumuler en REER pour l'équivaloir, atteindra 750 000$ au début de sa retraite. Puisque le régime n'est pas indexé, la planificatrice applique à la rente une indexation partielle, à raison de 0,5% par année.

Résultat: avec un coût de vie maintenu à 37 000$ et indexé de 2,25% annuellement, Johanne n'épuise jamais son capital!

Pourquoi pas une retraite à 58 ans, alors? Sa rente de retraite se trouve alors réduite de 5300$ par année, ses REER ne contiennent plus que 148 000$ et son CELI, 34 600$, et elle doit commencer à y puiser à 61 ans plutôt qu'à 71 ans. «Avec le même coût de vie, elle épuise son capital à 86 ans au lieu de 104 ans, commente notre planificatrice. Toute une différence pour deux ans de travail!»

Cependant, une simple réduction de son coût de vie de 37 000$ à 36 000$ lui permettrait de maintenir ses épargnes jusqu'à l'âge de 95 ans, ajoute-t-elle.

La retraite à 58 ans?

«C'est faisable!»

RRQ à 60 ou à 65 ans?

Nathalie Bachand recommande, par ailleurs, que Johanne attende au moins à l'âge de 65 ans pour toucher sa rente de retraite de la RRQ, d'autant plus que le budget provincial de mars 2011 a annoncé des modifications au régime.

Actuellement, le participant qui demande à toucher sa rente avant 65 ans la voit diminuer de 0,5% pour chaque mois précédant son 65e anniversaire. À partir de janvier 2014, ce facteur d'ajustement variera en fonction de la somme reçue. L'ajustement atteindra un maximum de 0,53% par mois en 2014, de 0,56% en 2015 et de 0,6% à partir de 2016.

Pour quelqu'un qui touchera la rente maximale, comme Johanne, la réduction pour une retraite prise à 60 ans atteindra donc 36% plutôt que 30%.

Quelques chiffres pour mieux en illustrer l'impact? La rente annuelle maximale à 65 ans est présentement de 11 840$. Avec une réduction de 30% pour une retraite à 60 ans, la rente maximale est ramenée à 8288$. Avec la future réduction de 36%, cette rente s'établirait plutôt à 7577$.

En attendant de toucher la RRQ à 65 ans, voire davantage, Johanne épongera tout déficit budgétaire en puisant dans son CELI, dont les retraits ne sont pas imposables. Elle sera gagnante à long terme, notamment si elle jouit d'une longévité biblique.

EN BREF



La situation

Johanne est âgée de 48 ans et espère prendre sa retraite à 60 ans, voire plus tôt. Elle cotise au maximum à son REER. Son régime de retraite et ses rigoureuses épargnes le lui permettent-ils?

Les données

Âge: 48 ans

Revenus: 61 000$

REER: 68 000$

Droits de cotisations inutilisés: aucun

CELI: 8000$

Rente de retraite à 60 ans: environ 38 400$, avant coordination avec la RRQ.

L'analyse

Heureux qui profite d'un régime de retraite à prestations déterminées! En continuant à verser le maximum à son REER et en ajoutant 1000$ par année dans son CELI. Johanne pourrait prendre sa retraite à 58 ans tout en conservant un coût de vie à 36 000$.

«Nous recommandons de demander la RRQ à compter de 65 ans, compte tenu des dernières modifications du régime.»

- Nathalie Bachand, actuaire et planificatrice financière, Bachand Lafleur Preston Groupe Conseil