Jour 2 du procès Prospector, hier, cette organisation qui a réussi à effacer l'essentiel des impôts de 400 riches contribuables grâce à un abri fiscal contesté. Le grand responsable des ventes de Prospector, Thomas Jones, a expliqué en long et en large le fonctionnement de l'entreprise. En contre-interrogatoire, l'avocat du fisc l'a toutefois désarçonné en quelques questions.

Le procès ne porte pas précisément sur Prospector, mais sur la cause d'André Drouin, cet ingénieur qui n'a presque pas payé d'impôt depuis 2007 grâce à l'astuce fiscale de Prospector. Son cas pourrait servir de cause type aux autres investisseurs, qui ont aussi le fisc sur le dos.

Entre 2003 et 2007, le réseau Prospector a incité plus de 400 dentistes, médecins et autres professionnels à injecter 35 millions dans un abri fiscal. Les économies d'impôt étaient bien supérieures aux débours des investisseurs, mais l'Agence du revenu Canada est intervenue et leur réclame aujourd'hui environ 70 millions. Le promoteur de Prospector était Claude Duhamel, qui a déjà eu des problèmes avec les autorités.

Hier, les avocats de Davies Ward, qui défendent André Drouin, ont fait expliquer à Thomas Jones les moindres rouages de l'organisation. Il a été question des baux signés à New York, Los Angeles ou Chicago, des contrats d'embauche avec les quelques vendeurs, des communications avec des clients cibles, des relevés de dépenses, des comptes rendus de réunions, etc.

Leur but: démontrer que Prospector avait une activité légitime, qui justifie les déductions d'entreprise réclamées au fisc par les investisseurs. Le principal produit, Mail it Safe, est un logiciel destiné à protéger la sécurité entourant l'envoi de courriels. Pour se financer, le réseau a choisi de vendre des franchises aux investisseurs, qui devaient commercialiser le produit.

Le hic, selon le fisc, c'est que les franchisés, comme André Drouin, n'ont pas exploité leur franchise comme des gens d'affaires sérieux. «Le but de M. Drouin était d'obtenir des remboursements d'impôt et non d'exploiter une entreprise [...] M. Drouin ne consacrait pas de temps et n'avait aucune formation dans la vente de logiciel», écrit l'Agence du revenu du Canada dans sa réponse à la contestation de M. Drouin.

Hier, Thomas Jones a admis que l'organisation n'a finalement vendu aucun logiciel Mail it Safe en quatre ans. Il explique cet échec par la rigidité de la division technique de Prospector, trop loin des préoccupations des clients.

En contre-interrogatoire, l'avocat du fisc, Alain Gareau, a interrogé M. Jones sur l'ancêtre de Prospector, soit l'entreprise Stratsite. M. Jones était actionnaire à 50% de Stratsite, en 1999. Son actionnariat a été dilué par une injection de fonds de 4,5 millions de la part de 20 à 30 investisseurs, en 2000.

Thomas Jones a toutefois été incapable de dire quel pourcentage des actions il détenait après l'injection de fonds. «Entre 8 et 12%, mais c'est une supposition (a guess)», a-t-il dit.

Il a parlé de Stratsite comme d'une entreprise profitable, qui faisait des ventes. Or, en lui présentant les états financiers de 2001 à 2003, l'avocat Gareau lui a plutôt fait constater que l'entreprise a accumulé des millions de dollars de déficits. Pire: l'avoir des actionnaires aux états financiers n'a guère dépassé les 3 millions, loin des 4,5 millions dont il a été question dans l'injection de fonds, une anomalie.

Entre 2002 et 2003, Stratsite a été transformé en Prospector Network, avec Claude Duhamel à sa tête. Thomas Jones est passé de l'une à l'autre, comme grand responsable du développement stratégique, mais il est aujourd'hui incapable d'expliquer la nature de la transformation d'entreprise (achat, fusion, simple changement de nom?). La cause se poursuit au cours des prochaines jours.