C'est sur fond de blocage des négociations entre Athènes et ses créanciers privés que s'est ouverte, hier à Bruxelles, une importante séance de travail des ministres des Finances européens. Elle doit préparer le terrain en vue du sommet des chefs de gouvernement, la semaine prochaine.

L'Allemagne a fait d'emblée une concession en se disant ouverte à l'idée que le solde du Fonds européen de stabilité financière (FESF) puisse être utilisé de concert avec la force de frappe de 500 milliards du Mécanisme de stabilité financière (MSF) qui doit le remplacer dès juillet. La combinaison représente 750 milliards, somme à laquelle il faut ajouter les quelque 150 milliards que les banques centrales de l'Union doivent avancer au Fonds monétaire international qui cherche à obtenir en tout 500 milliards de par le monde pour juguler toute contagion possible.

En échange de cette ouverture, la première puissance d'Europe entend faire adopter des règles strictes au pacte fiscal intergouvernemental conclu en décembre auquel tous les pays ont convenu d'adhérer à l'exception du Royaume-Uni. Une de ces règles prévoit un mécanisme automatique qui obligerait les gouvernements à corriger le tir si leur déficit budgétaire structurel dépasse l'équivalent de 0,5% du produit intérieur brut (PIB), selon une ébauche obtenue par Bloomberg. Faute de quoi, le pays en défaut ne pourrait recourir au MSF, en cas de besoin. La Finlande réclame en outre de nouveau un droit de veto sur toute nouvelle aide à un pays qui ne parvient pas à se financer sur les marchés.

La réunion a commencé après que l'Union eut décidé du boycottage du pétrole iranien à partir du 1er juillet.

Cela pourrait toucher certains de ses membres déjà en difficulté. L'Espagne s'approvisionne beaucoup au pays des ayatollahs, décidé à se doter de l'arme nucléaire. L'économie espagnole a fléchi de 0,4% l'automne dernier et on s'attend à ce qu'elle recule de plus de 1% en 2012.

Jusqu'ici, la puissance ibérique est parvenue à (re) financer sa dette, bien que les taux consentis en décembre aient fait craindre le pire. Elle a pu emprunter la semaine dernière à des taux moins élevés.

Ce n'est évidemment pas le cas de la Grèce qui doit refinancer 14,5 milliards de ses 300 milliards de dette, le 20 mars. Les marchés exigent ces jours-ci un taux de plus de 200%, si elle cherchait à émettre des obligations de deux ans.

Pour avoir droit à l'aide de l'Union et du FMI promise dans le deuxième plan de sauvetage convenu en juillet, Athènes doit avant tout parvenir à un accord avec ses créanciers privés qui détiennent 200 des 300 milliards d'obligations hellènes émises.

En vertu de l'entente de juillet, les porteurs privés consentent à troquer leurs obligations contre de nouvelles dont la valeur faciale serait réduite de 50% et qui viendraient à échéance dans 30 ans.

L'Institute of International Finance (IIF, le représentant des banques, des assureurs et des fonds détenteurs de la dette grecque), Athènes, l'Union européenne et le FMI ne s'entendent pas sur le taux de ces nouvelles obligations. L'IIF exigerait de 4% à 4,5% alors que l'UE et le FMI ne sont pas prêts à accepter un rendement qui s'approche trop des 4%, selon le Wall Street Journal.

L'enjeu est de taille: si le taux d'intérêt est trop élevé, Athènes ne parviendra pas à ramener la taille de sa dette à 120% de son PIB d'ici à 2020, ce qui est une condition du deuxième plan de sauvetage, convenu en juillet.

Si le taux est trop faible, les prêteurs pourraient rejeter l'entente et provoquer un défaut de paiement désordonné, dont on n'ose imaginer les conséquences.

Selon certaines fuites, quelques fonds d'investissement spéculatifs souhaitent un défaut car ils ont assuré leur placement en achetant des swaps de défaillance (CDS). Ils pourraient réclamer à l'émetteur de swaps 100% de la valeur faciale des obligations qu'ils détiennent, souvent achetées sur le marché secondaire à des prix cassés.

En pareil cas, les émetteurs de CDS pourraient subir de lourdes pertes. Ce sont avant tout des banques américaines. Tout accord entre l'IIF et Athènes doit être approuvé par les 16 autres pays qui partagent l'euro. Les négociations sont dans l'impasse depuis samedi et beaucoup d'observateurs estiment qu'elle ne pourra être surmontée d'ici au sommet des chefs de gouvernement.