Coup de bluff ou coup de semonce, les banques ont suspendu vendredi leurs négociations avec Athènes sur les modalités de la restructuration de la dette grecque, le ton montant envers certains acteurs pour régler une équation financière unique où se joue la survie de l'euro.

Les discussions autour de l'effacement de 50% de la dette grecque détenue par les institutions privées n'ont «pas abouti à une réponse ferme et constructive de toutes les parties», a regretté l'Institut de la Finance Internationale (IIF), qui mène les négociations côté banques avec le français Jean Lemierre, détaché de BNP Paribas.

Ce constat intervient sur fond de nervosité extrême des marchés et d'un brusque décrochage de l'euro face au dollar, suite aux informations sur une dégradation de plusieurs pays de la zone euro, dont la France, par l'agence Standard and Poor's.

Le communiqué des banques, qui salue néanmoins les «efforts des dirigeants grecs», espère que la suspension des discussions va «permettre une réflexion sur les bénéfices d'une approche volontaire».

La notion «d'approche volontaire», une première dans le monde de la haute finance, fait référence à l'accord conclu les 26 et 27 octobre entre les créanciers privés de la Grèce et les dirigeants de la zone euro.

Les premiers s'étaient alors engagés à renoncer d'eux-mêmes à recouvrer environ 100 milliards d'euros sur leurs créances afin d'éviter une faillite désordonnée du pays, qui minerait la zone euro et menacerait la survie de la devise européenne.

Depuis des mois, le gouvernement grec mène des discussions avec ses banques et fonds d'investissement créanciers en ce sens. Avec l'objectif de parvenir à réduire son endettement de 160% à 120% du produit intérieur brut (PIB) d'ici à 2020.

Cette négociation, dite PSI (private sector involvement), est une condition essentielle à la mise en place d'un deuxième plan d'aide de 130 milliards d'euros par les créanciers internationaux de la Grèce, UE et FMI.

Sans le PSI -qui prévoit un échange des obligations souveraines grecques détenues par les banques contre de nouvelles dont la valeur a été réduite- et le deuxième plan d'aide, Athènes risque de faire défaut autour du 20 mars. À cette date, 14,5 milliards d'euros de dette grecque arrivent à échéance.

Mais voilà : au sein des créanciers privés de la Grèce, certains sont moins volontaires que d'autres pour perdre de 50 à 60% de leur mise sur les titres de dette grecque qu'ils détiennent.

Une source proche des négociations indiquait en début de semaine à l'AFP qu'une résistance était perceptible chez des spéculateurs qui essaient de gagner du temps en attendant le 20 mars, plusieurs investisseurs ayant parié sur un effondrement de la Grèce et de la zone euro.

Selon cette source, nombre d'opérateurs qui ont pris des positions et acheté des produits financiers devant augmenter si l'euro doit tomber via un défaut de paiement de la Grèce «s'énervent», ce qui crée une «volatilité» importante des marchés, attisée par les informations sur les dégradations de Standard and Poor's vendredi.

Vendredi soir, la même source fulminait contre «tous ceux qui n'ont toujours pas compris que la solution pour la Grèce et la zone euro ne pourra être que collective».

D'autres sources mettaient en cause l'instransigeance du FMI, qui estimerait que la dette du pays ne sera pas soutenable même après restructuration, et aurait demandé un abaissement du taux d'intérêt applicable aux nouvelles obligations.

En jeu pour le FMI, sa participation au 2e plan d'aide grec aux côtés de l'UE. Le Fonds ne pouvant s'engager par statut que sur des projets où il est sûr d'être remboursé, si la dette est jugée intenable, il ne pourra plus aider la Grèce.

D'ailleurs la presse grecque rapportait vendredi que les négociations butaient sur les taux d'intérêt réclamés par les banques, jugés excessifs côté grec.

Selon le quotidien Kathimérini, les banques réclamaient un taux d'intérêt de 5% à la Grèce.

L'objectif initial des négociateurs était de parvenir à un accord cadre fixant les paramètres des nouvelles obligations (taux d'intérêt, maturité, clauses, etc) à la fin de cette semaine, avant l'arrivée la semaine prochaine à Athènes de la troïka des créanciers du pays.

La troïka doit discuter du plan d'ajustement structurel, des mesures d'assainissement mais aussi de la relance économique du pays, ballotté entre plans de soutien et d'austérité, et qui traverse une récession aggravée depuis quatre ans.

Vendredi, le FMI a appelé à une reprise des négociations notant que sans accord, la situation de la dette grecque ne serait pas tenable.

«Nous savons parfaitement à quel point la situation est critique» a lancé le premier ministre grec. «Jusqu'à ce que les discussions soient complètes et qu'un accord sur le nouveau prêt soit signé, le pays continue de faire face à des dangers économiques graves» a-t-il dit.