En plein débat sur l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, un ex-ministre suédois des Finances rappelle que l'expérience menée en ce sens en Suède dans les années 80 fut un échec retentissant et a dû être abandonnée.

«L'expérience suédoise a été négative, aussi bien du point de vue des finances de l'Etat que d'une perspective socioéconomique générale», a déclaré à l'AFP l'ex-ministre Bo Lundgren, aujourd'hui âgé de 64 ans.

En 1984, le gouvernement social-démocrate a introduit une taxe de 0,5% -passée à 1,0% deux ans plus tard- sur chaque vente ou acquisition d'action et 1,0% pour les options. La taxe sur les échanges d'obligations variait en fonction de la maturité entre 0,001% et 0,03%.

La taxe était prélevée sur les services de courtage.

En 1989, une taxe sur les transactions monétaires a été instaurée mais «tous les échanges monétaires se sont déplacés de la Bourse de Stockholm à celle de Londres», obligeant le gouvernement social-démocrate à l'abolir très rapidement, en 1990 après seulement 16 mois d'existence, a rappelé M. Lundgren.

Lui-même était membre du gouvernement de centre-droit qui a aboli, en 1991, après quasiment 8 ans d'existence, la taxe sur les échanges financiers.

Ceux-ci, sous l'effet du prélèvement, «ont également eu tendance à se déplacer sur d'autres places boursières, mais sans que les conséquences soient aussi dramatiques que celles de la taxe sur les échanges monétaires», a souligné l'ex-ministre.

«L'année où nous l'avons abolie, en 1991, la taxe sur les transactions financières a rapporté environ 3 milliards de couronnes», soit quelque 375 millions d'euros au cours actuel, selon M. Lundgren.

«Mais en contrepartie, elle a tellement réduit le volume des échanges que celui-ci s'est fortement accru à l'abolition de la taxe, entraînant un bond des frais de courtage et dans la foulée une augmentation des revenus de la fiscalité des entreprises et des revenus d'autres impôts», a-t-il poursuivi.

Si bien que le retrait de la taxe n'a engendré aucune perte financière pour l'Etat, selon l'ancien ministre.

A l'époque où il a proposé au Parlement de retirer le prélèvement sur les échanges financiers, M. Lundgren avait expliqué aux députés que «l'activité de la Bourse de Stockholm avait tellement diminué ces dernières années qu'il en résultait une série d'inconvénients pour l'industrie suédoise».

«La taxe sur les actions et autres titres y a contribué», avait-il accusé.

Selon M. Lundgren, les entreprises suédoises ont souffert à l'époque d'une réduction des liquidités sur le marché boursier et elles avaient en outre du mal à lever des capitaux à risques.

Alors aujourd'hui, M. Lundgren, qui dirige l'Office national suédois de la dette, ainsi que l'actuel ministre des Finances Anders Borg, tous deux conservateurs et membres du parti Modéré, s'opposent à la proposition de la Commission européenne d'introduire une taxe sur les transactions financières au sein de l'UE.

La proposition de la Commission, censée rapporter jusqu'à 55 milliards d'euros par an, prévoit des taux de prélèvement de 0,1% sur les actions et les obligations et de 0,01% sur les autres produits financiers, essentiellement les dérivés et produits structurés.

La France a assuré qu'elle «ferait» la taxe sur les transactions financières, de préférence à l'échelle européenne mais seule si elle ne parvenait pas à surmonter le scepticisme de ses partenaires de l'UE et notamment de la Grande-Bretagne qui craint pour sa place financière, la City de Londres.

De son côté, la chancelière allemande Angela Merkel a dit soutenir «à titre personnel» une telle taxe, soulignant qu'elle devait cependant tenir compte des réticences de ses alliés libéraux.