Le cofondateur de Guess Jeans, Georges Marciano, a un diamant de 16 millions de dollars. Mais l'homme d'affaires, qui vit à Montréal depuis 2009, n'a pas pu le regarder souvent depuis trois mois: le diamant de 85 carats est dans un coffre de la société Garda. Il a été saisi par six ex-employés qui lui réclament 260 millions de dollars aux États-Unis. «Le préjudice de ne pas regarder le diamant tous les jours en se levant, c'est somme toute peu important par rapport à la protection des créanciers», dit Me Bernard Boucher, l'avocat de trois ex-employés de Georges Marciano qui veulent continuer de faire saisir le diamant.

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Depuis jeudi, un juge de la Cour supérieure a annulé la saisie de ses actifs évalués à 150 millions de dollars. Les créanciers de Georges Marciano, inquiets de ne pas se faire payer si Georges Marciano retrouve tous ses biens, tentent de faire maintenir la saisie en Cour d'appel du Québec.

Au départ, les ex-employés de Georges Marciano, qui ont obtenu aux États-Unis un jugement civil de 260 millions et par la suite, sa faillite sur le sol américain, voulaient saisir tous ses actifs au Québec. La saisie a été autorisée à la mi-septembre par une juge de la Cour supérieure, mais un de ses collègues l'a annulée jeudi dernier. «Je représente des clients qui se battent depuis des années contre M. Marciano, qui, lui, dissimule ses actifs. Comme créanciers, mes clients sont inquiets et essaient d'être protégés», a plaidé Me Bernard Boucher, du cabinet Blakes. Par cette requête, l'avocat des créanciers veut «éviter que tout soit transféré en attendant», soulignant que M. Marciano a «tout fait et va continuer de tout faire pour que les créanciers ne soient pas payés».

Les avocats de Georges Marciano et des sociétés liées à sa fiducie familiale contestent vigoureusement la saisie effectuée en vertu des lois canadiennes sur la faillite. Ces dernières reconnaissent une faillite étrangère, mais seulement si elle est définitive, font valoir les avocats. Dans le cas de M. Marciano, la faillite ni les jugements civils à son endroit ne sont définitifs. «Ce jugement civil de 260 millions choque la conscience», a plaidé Me Mortimer Freiheit, du cabinet Stikeman Elliott, qui représente les entreprises et la fiducie de M. Marciano. Les avocats de celui-ci font aussi valoir que la juge de la Cour supérieure ayant autorisé la saisie ne disposait pas de tous les faits pertinents au moment de prendre sa décision (l'audience avait eu lieu sans en avertir M. Marciano).

Jeudi dernier, le cofondateur de Guess Jeans, qui a vendu ses actions de l'entreprise pour 240 millions en 1993, a pu reprendre possession des 10 millions de dollars dans ses comptes de banque, de ses voitures et de sa collection d'oeuvres d'art comprenant des tableaux d'Andy Warhol et de Jackson Pollock. Il devra toutefois convaincre la Cour d'appel du Québec pour revoir à court terme son diamant de 85 carats qu'il a l'intention de donner à sa fille, sa collection de montres valant 5 millions de dollars et ses 17 immeubles majoritairement situés dans le Vieux-Montréal qui valent 80 millions de dollars (les immeubles sont légalement la propriété des entreprises liées à sa fiducie familiale). «Il a transféré tous ses actifs au Canada. Il s'est installé à Montréal, il a investi sa fortune ici. Personne ne s'enfuit», a plaidé Me Mortimer Freiheit, qui représente les sociétés liées à la fiducie familiale. Les créanciers ne sont pas d'acccord. «On peut vivre avec 10 millions pendant un temps, non?» demande Me Bernard Boucher, l'avocat des créanciers. Le juge Jacques Fournier a pris l'affaire en délibéré hier après-midi.