Plus de 6 millions de dollars. C'est la somme dont l'homme d'affaires Réal Martineau soutient avoir été privé en raison d'une «fraude par omission» ou d'un «dol par réticence» commis par Canadian Tire lors de l'ouverture de son cinquième magasin de la chaîne, à Rosemère, en mai 2001.

Malheureusement pour M. Martineau - et heureusement pour la société -, ni la Cour supérieure ni la Cour d'appel n'ont accepté les arguments du marchand. Le plus haut tribunal du Québec a en effet rejeté, au début du mois, sa demande de révision de la décision du juge Roger Baker remontant à octobre 2008.

M. Martineau soutenait que Canadian Tire lui a caché l'ouverture prochaine de deux magasins à Blainville et dans le quartier Fabreville, à Laval, lorsqu'il a conclu, en octobre 1999, le contrat pour l'agrandissement de celui qu'il exploitait déjà à Rosemère.

«Si le demandeur avait su que deux magasins ouvriraient à proximité [de son] magasin au cours de la période de cinq ans suivant l'ouverture dudit magasin, il n'aurait jamais consenti à la proposition de Canadian Tire et au renouvellement du contrat», avance la poursuite de M. Martineau.

Selon lui, la présence de ces deux établissements a fait baisser ses ventes de 12% par rapport aux prévisions établies par Canadian Tire avant la signature du contrat. Il chiffre sa perte de bénéfices à 6,167 millions et la réclame à l'entreprise.

Marchand depuis 40 ans

Au moment du premier procès, en avril 2008, M. Martineau était marchand Canadian Tire depuis près de 40 ans. Il a détenu des établissements à Lévis, à Saint-Léonard et à Rosemère.

En 1999, Canadian Tire lui propose de déménager son magasin de Rosemère pour le faire passer de 30 000 pi2 à 53 000 pi2. Selon la première estimation de l'entreprise, cet agrandissement permettrait à son commerce de générer un chiffre d'affaires de 21 millions la première année et de 25 millions au cours de la cinquième, avec un bénéfice avant salaires variant de 1,2 million à 1,909 million.

M. Martineau assure qu'il ne savait pas que la société installerait des magasins à Blainville et dans le quartier Fabreville quand il a donné son accord. Qui plus est, il soutient avoir été rassuré par la direction de Canadian Tire lorsqu'il leur a fait part de rumeurs à cet égard.

Selon lui, il n'a appris les intentions de la société qu'à la fin de 2000 - la construction de l'édifice de Rosemère avait débuté en septembre - et il était à ce moment trop tard pour reculer.

Ces prétentions ont toutefois été contredites par des témoins de Canadian Tire, ce qui a fait dire au juge Baker que le témoignage de M. Martineau «manquait de crédibilité». Le magistrat a plutôt retenu que l'homme d'affaires a su dès septembre 1999, avant de conclure son entente avec Canadian Tire, qu'un magasin serait érigé à Blainville, et qu'il a appris l'existence du projet Fabreville un peu plus d'un mois plus tard.

Bénéfices plus élevés

En appel, M. Martineau a soutenu ne pas avoir eu droit à un procès juste et équitable, notamment parce que le juge Baker n'a pas tenu compte de toute la preuve qu'il lui a soumise. La Cour d'appel a rejeté cette avancée.

La Cour a également écarté les arguments de M. Martineau dénonçant la nature abusive du contrat qu'il a signé - il demandait qu'il soit déclaré nul - et soutenant qu'il n'a pas donné un consentement libre et éclairé puisque Canadian Tire lui a caché des choses.

La Cour d'appel note entre autres que le commerce de Rosemère a finalement produit des bénéfices plus élevés que ceux de la deuxième estimation de Canadian Tire soumise à M. Martineau en juillet 2000. «Qui s'en plaindra?», demande la Cour.

L'avocat de M. Martineau, Éric Ménard, n'a pas rappelé La Presse Affaires.