Les marchés boursiers ont dévissé lundi dans une zone euro sous haute tension, suspendue au verdict de l'agence Standard & Poor's (S&P) sur le triple A de ses meilleurs élèves et secouée par un nouvel avertissement de sa concurrente Moody's.

Le répit généré par l'engagement des responsables européens, à l'exception du Royaume-Uni, à renforcer la discipline budgétaire en zone euro aura donc été de courte durée.

Milan a chuté de 3,79%, Francfort de 3,36%, Madrid de 3,11% et Paris de 2,61% tandis que Londres limitait les pertes à 1,83%. A Wall Street, le Dow Jones a cédé 1,34% et le Nasdaq 1,31%.

La monnaie unique payait les frais de cette défiance: vers 22H00 GMT, l'euro valait 1,3188 dollar, contre 1,3384 dollar vendredi vers 17H00, passant pour la première fois sous 1,32 dollar depuis le 4 octobre.

En France, l'un des quinze pays de la zone menacé de dégradation par S&P, l'exécutif s'est employé à préparer les esprits. Une dégradation «serait une difficulté de plus mais pas insurmontable», a assuré le président Nicolas Sarkozy. L'accord de Bruxelles «crée les conditions du rebond et de la sortie de crise», a-t-il soutenu.

Les timides effets du sommet européen avaient commencé à s'éroder dès samedi lorsque le chancelier autrichien Werner Faymann avait estimé que l'accord manquait «de la puissance nécessaire pour avoir un effet durable».

Tombé tôt lundi matin, le communiqué de l'agence de notation financière Moody's a définitivement fait retomber le petit vent d'optimisme.

L'agence a pointé «l'absence de mesures pour stabiliser les marchés sur le court terme». Dans ces conditions, selon elle, «la zone euro, et l'Union européenne plus largement, restent sujettes à de nouveaux chocs» tandis qu'une «menace persistante» pèse sur la «cohésion de la zone».

Moody's envisage toujours d'abaisser les notes souveraines des pays de l'Union européenne, une dégradation qui pourrait intervenir durant le premier trimestre 2012.

Standard & Poor's a annoncé son intention de se prononcer «aussitôt que possible» --au vu des résultats du sommet européen-- sur les notes de quinze pays de l'Union monétaire.

Le dernier grand pays à avoir perdu son précieux triple A n'était autre que les États-Unis, cet été.

Annoncé comme un cataclysme, l'abaissement de sa note ne s'est finalement pas traduit par une augmentation du coût du financement de la dette pour la première économie mondiale. Mais la situation semble plus délicate pour les pays de la zone euro, qui ne bénéficient pas du dollar, monnaie de réserve, et ne peuvent compter sur le dynamisme de leur marché intérieur.

L'intervention de Moody's «a réactivé l'aversion au risque des investisseurs en pointant l'absence de solution nouvelle» après Bruxelles, a commenté l'analyste David White de Spreadex.

«Les marchés se montrent pessimistes après l'annonce de Moody's», ont également noté les analystes de Saxo Banque, estimant que le sommet avait privilégié la stabilisation à long terme, négligeant le court terme.

A l'inverse, une nouvelle émission obligataire en Italie s'est plutôt bien déroulée lundi alors même que les principaux syndicats italiens ont appelé lundi à une grève unitaire de trois heures contre les mesures de rigueur.

Le Trésor italien a réussi à lever comme prévu 7 milliards d'euros d'obligations à un an avec des taux en légère baisse, signe d'une atténuation de la pression. La France a également levé lundi 6,5 milliards d'euros avec des taux en léger recul également.

Sur le front grec, premier domino de la crise de la dette, des discussions «cruciales» et «difficiles» ont repris avec les bailleurs de fonds publics et privés du pays, a annoncé le ministre des Finances Evangélos Vénizélos.

Au Royaume-Uni, le Premier ministre David Cameron a défendu devant le Parlement sa décision de s'opposer à un changement de traité à Bruxelles mais en l'absence de son vice-Premier ministre libéral-démocrate Nick Clegg, signe du fossé qui se creuse dans la coalition au pouvoir.

Selon Nicolas Sarkozy, il y a «désormais clairement deux Europe», l'une solidaire, l'autre attachée «à la seule logique du marché unique». Bruxelles, de son côté, à «déploré» l'opposition de Londres à la révision du traité européen. Berlin l'a «regrettée».

Dans ce contexte délicat, l'OCDE vient de signaler un «ralentissement de l'activité» des grandes économies en octobre tandis que Fitch a revu en baisse ses prévisions de croissance mondiale en 2012 et 2013 à 2,4% et 3,0%.

La seule bouffée d'air frais pourrait venir d'outre-Atlantique, avec une réunion mardi de la Réserve fédérale américaine qui devrait préparer les esprits à un nouvel assouplissement de sa politique monétaire.

Une autre menace plane sur cinq pays de l'UE --Belgique, Malte, Chypre, la Pologne et la Hongrie-- qui pourraient être sanctionnés par Bruxelles au titre du Pacte de stabilité renforcé en raison du dérapage de leurs finances publiques. La Commission a toutefois indiqué qu'elle attendrait janvier pour statuer.

Aux lisières de la zone euro, la Hongrie, très dépendante de ses exportations vers l'Allemagne, a encore révisé à la baisse sa prévision de croissance pour 2012, à «0,5% voire moins». Signe de la tension ambiante, en Lettonie, des rumeurs de faillite de la banque suédoise Swedbank formellement démenties, répandues sur Twitter, ont provoqué une ruée sur les distributeurs de billets de la banque.