C'est non! Pas question que la Banque centrale européenne (BCE) achète directement la dette souveraine des États qui ne peuvent plus se financer sur les marchés obligataires qui exigent des taux insoutenables.

Son président Mario Draghi l'a expressément répété hier, quelques heures avant le dîner d'État à Bruxelles qui marquait le cinquième sommet en 19 mois des 27 chefs de l'Union européenne. Qualifiée aussi de sommet de la dernière chance, la réunion vise à formuler une solution crédible et durable à la crise de la dette publique qui menace de plonger en récession l'économie mondiale.

À l'ordre du jour, une proposition franco-allemande de discipline fiscale, assortie d'amendements coercitifs au Traité de Lisbonne et l'introduction d'une taxe sur les transactions financières, chère à l'Allemagne, mais honnie par le Royaume-Uni qui y voit une menace pour l'avenir de la City, premier centre financier du Vieux Continent.

Les difficiles négociations doivent se poursuivre toute la journée et il n'est pas exclu encore qu'elles débordent sur le week-end.

M. Draghi a de plus écarté la possibilité que la BCE prête directement au Fonds monétaire international (FMI) qui pourrait ainsi venir à la rescousse des pays en difficulté. Cela équivaut aussi à la monétisation de la dette par une voie détournée, selon l'institution établi à Francfort.

Cela n'a pas empêché hier quelques diplomates de laisser courir la rumeur que les banques centrales des pays de l'Union pourraient quand même choisir de prêter au FMI, si leur loi constitutive le permet, à la différence de celle de la BCE.

Ce refus net de M. Draghi a déplu aux acteurs des marchés boursiers et obligataires qui rêvaient de voir la BCE se transformer en prêteur de dernier ressort aux pays membres de la zone euro, comme la Réserve fédérale américaine et la Banque d'Angleterre. Les grands indices de la zone euro ont abandonné 2% de valeur, un peu plus de 4% même dans le cas du FTSE MIB italien. Les taux sur les obligations italiennes et espagnoles ont aussi augmenté, après plusieurs jours de repli d'affilée.

M. Draghi a néanmoins annoncé que le taux directeur de la BCE passait de 1,25% à 1,0%, bien que cette décision n'ait pas été prise à l'unanimité puisque le taux d'inflation persiste à 3%. Il a surtout annoncé d'importantes mesures d'assouplissement de prêts aux banques européennes qui pourront obtenir des liquidités pour des périodes de trois ans, à compter du 21 décembre. Jusqu'ici l'échéance maximale d'un prêt est d'un an.

La liste des titres acceptés en nantissement a aussi été étendue tandis que sont réduites les réserves obligatoires à détenir afin de stimuler l'octroi de prêts.

Bref, la BCE joue à plein son rôle de prêteur de dernier ressort aux banques qui en auront bien besoin.

L'Autorité bancaire européenne (ABE) a indiqué en fin de journée qu'elles devront lever 114,7 milliards d'euros en capital frais d'ici juin afin de se conformer aux nouvelles exigences de Bâle III.

Pour certaines d'entre elles, la commande est immense: l'espagnole Banco Santander doit trouver 15,3 milliards, l'italienne UniCredit 7,97 milliards, l'allemande Commerzbank 5,3 milliards.

Les banques françaises s'en tirent mieux avec un besoin global de 7,3 milliards.

Le calcul du capital requis tient compte de la valeur au marché des obligations souveraines détenues par les banques qui sont en général de gros porteurs.

L'ABE entend s'assurer que la levée de fonds ne se fasse pas au détriment des activités de prêts, surtout que la zone euro entre en récession de l'aveu même de la BCE qui a diminué sa prévision de croissance pour 2012. Les banques devront donc émettre des actions même si leurs cours se sont effondrés, éliminer les bonis, voire les dividendes.

La sévérité et la complexité de la crise européenne amènent la Banque du Canada à souligner qu'elle pourrait nous affecter l'an prochain, si elle n'est pas mieux contenue.

Dans le numéro d'hiver de la Revue du système financier de la Banque, les membres de son conseil de direction jugent que l'aggravation de la crise depuis le printemps «alimente les attentes d'un maintien des taux d'intérêt à de bas niveaux, elles-mêmes susceptibles d'éroder davantage la situation financière des assureurs et des régimes de pension à prestations déterminées et d'inciter les ménages canadiens à emprunter».

Si un ralentissement économique devait suivre et provoquer une hausse du chômage, alors plusieurs ménages peineraient à faire face à leurs obligations.

«La crise européenne est certes aiguë, mais elle peut être résolue si les autorités européennes s'y emploient avec force, soutient le Conseil. Celles-ci doivent faire le nécessaire pour restaurer la confiance; elles bénéficieront ainsi d'un répit pour refonder l'union monétaire européenne sur des mécanismes budgétaires crédibles et des dispositifs de gouvernance améliorés.»