Les Européens se sont mis d'accord tôt vendredi pour renforcer nettement la discipline budgétaire de la zone euro face à la crise de la dette, mais ont échoué de peu à le faire avec l'appui de toute l'UE pour cause de clash avec le Royaume-Uni, qui se retrouve isolé.

> La rigueur budgétaire en quatre points

Réunis en sommet depuis jeudi soir, les dirigeants de l'UE se sont quittés vendredi après-midi après une longue nuit de tractations à Bruxelles en croisant les doigts.

Ils espèrent que leur décision de durcir la gestion des comptes publics pour l'Union monétaire sera suffisante pour convaincre la Banque centrale européenne de faire davantage pour les aider à circonscrire l'interminable crise de la dette.

Leurs engagements, comprenant «règles d'or» dans tous les pays et sanctions quasi-automatiques, ont été accueillis avec prudence par les Bourses européennes, qui ont ouvert en baisse avant de revenir progressivement dans le vert. Une légère tension des taux d'emprunt de l'Espagne et de l'Italie a été observée sur le marché obligataire.

Après plus de neuf heures d'intenses négociations, les chefs d'État et de gouvernement n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un changement du traité de toute l'Union européenne pour réformer la zone euro, celui-ci nécessitant l'approbation des 27 pays membres.

A l'origine de cet épilogue relativement prévisible: les exigences demandées par le Royaume-Uni en échange de son feu vert, qui ont créé des tensions et donné lieu à des «moments virils» dans les négociations, selon un diplomate.

Soucieux de composer avec la frange eurosceptique de son parti, le Premier ministre britannique David Cameron (conservateur) a menacé d'opposer son veto. Il a réclamé que la City de Londres puisse être soustraite si nécessaire à la surveillance européenne du secteur financier.

«Nous aurions préféré un accord à 27, cela n'a pas été possible compte tenu de la position de nos amis britanniques» qui ont posé des demandes «inacceptables», a regretté le président français Nicolas Sarkozy.

Les Britanniques «n'étaient déjà pas dans l'euro, et donc nous avons l'habitude de cette situation», a commenté vendredi la chancelière allemande Angela Merkel, «le monde entier va pouvoir constater que nous avons appris de nos erreurs passées», a-t-elle ajouté.

M. Cameron s'est dit lui satisfait d'avoir fait front. «Il s'agit d'une décision difficile mais bonne». Il se retrouve néanmoins plus isolé que jamais en Europe.

Tous les pays de l'Union européenne à l'exception de la Grande-Bretagne - y compris donc huit États qui ne font pas partie de la zone euro - soutiennent en effet le nouveau pacte d'«union de stabilité budgétaire» qui pourrait être signé en mars et prendra la forme d'un accord gouvernemental.

La Suède et la République tchèque ont toutefois dit avoir besoin de temps avant de trancher. De son côté, la Hongrie, qui s'était dans un premier temps rangée du côté britannique, a changé de camp.

Mais l'affrontement avec les Britanniques à Bruxelles risque de laisser des traces.

Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a nié que Londres soit isolé et a reproché, notamment à la France et l'Allemagne, de n'avoir «pas fait assez d'efforts» pour répondre aux inquiétudes du Royaume-Uni sur le secteur financier.

Le renforcement de la discipline budgétaire de la zone euro était jugé capital par l'Allemagne face à la crise de la dette.

Outre les sanctions presque automatiques et les «règles d'or» imposant le retour à un quasi-équilibre budgétaire, il est prévu un droit d'intrusion européen accru dans la préparation des budgets nationaux. Des pays bénéficiant d'une aide extérieure, comme la Grèce ou l'Irlande aujourd'hui, pourront en outre être placés sous tutelle européenne.

Le président de la BCE, l'Italien Mario Draghi, a qualifié de «résultat très bon pour la zone euro» les décisions prises lors du sommet de Bruxelles en matière de discipline budgétaire.

«C'est le signal qu'on attendait», commente un diplomate européen, qui espère que l'institut monétaire acceptera désormais d'acheter plus massivement de la dette publique de pays fragiles sur les marchés afin de faire redescendre leurs taux d'intérêt obligataires, montés à des niveaux insoutenables.

La zone euro pour le reste a accouché de résultats d'ampleur limitée sur le renforcement de son propre pare-feu contre la crise de la dette.

Plusieurs solutions ont buté sur l'inflexibilité de l'Allemagne, qui a rejeté une proposition visant à augmenter les moyens du futur fonds de sauvetage permanent de la zone euro (MES), qui sera doté de 500 milliards d'euros et devrait commencer à fonctionner mi-2012.

Pourtant, «le plafond du MES a vocation à être révisé à la hausse», a indiqué une source proche du dossier, rappelant que le sujet serait discuté lors d'un prochain sommet en mars. Selon cette source, «les Finlandais et les Néerlandais sont prêts à aller plus loin, les Allemands ont été les seuls à résister sur cette ligne».

L'Allemagne a également refusé de permettre à terme au MES de s'alimenter au guichet de la Banque centrale européenne (BCE), et s'est opposée à ce que les euro-obligations soient évoquées comme possibilité à long terme.

En revanche, «le FMI va participer» aux «efforts» de la zone euro, a promis sa directrice générale Christine Lagarde. Les États de la zone euro, et d'autres non membres de l'Union monétaire, envisagent dans un premier temps de renflouer eux-même le Fonds monétaire international à hauteur de 200 milliards d'euros sous forme de prêts.