Rumeurs, pressions diplomatiques, initiatives monétaires et réductions des attentes se multiplient à quelques heures du sommet crucial de deux jours des 27 chefs de gouvernement de l'Union européenne qui s'ouvre en fin de journée à Bruxelles.

Cette rencontre vise à trouver une solution crédible à court, moyen et long termes à la crise de la dette publique qui paralyse l'Union et en particulier ses 17 membres qui partagent l'euro comme monnaie. Leur note de crédit est désormais placée sous surveillance avec perspective négative par l'agence américaine Standard&Poor's.

Le sommet doit être présidé par le président du Conseil européen, le Belge Herman Van Rompuy, qui arrivera avec une proposition de solution. Comme toutes les autres susceptibles de surgir, elle fera grincer des dents, en particulier celles des membres qui ont conservé leur monnaie, comme le Royaume-Uni.

L'avantage de sa proposition, dont le coeur a fait l'objet de fuites hier, est qu'elle ne nécessite pas de modifier le traité de l'Union européenne qui exigerait l'approbation de ses 27 membres, dont plusieurs par voie référendaire.

M. Van Rompuy proposerait plutôt un amendement au protocole de l'Union qui inclurait un condensé fiscal auquel tous les membres adhéreraient par voie législative. Ce condensé prévoit notamment de limiter le déficit budgétaire des pays membres à 3% du produit intérieur brut (PIB) et leur dette publique à 60% de leur PIB. Il inclurait aussi la fameuse règle d'or de l'équilibre fiscal à satisfaire à un moyen terme à préciser.

La Commission se verrait aussi attribuer le pouvoir d'imposer des mesures d'austérité automatiques aux pays ayant besoin d'un sauvetage, ce qui équivaut à une perte de souveraineté démocratique au profit des technocrates bruxellois.

Si la rumeur s'avère, M. Van Rumpuy proposerait aussi d'accorder au futur mécanisme de stabilité financière (MSF), appelé à remplacer en 2013 l'actuel Fonds européen de stabilité financière (FESF), le statut de banque à charte. Cela lui permettrait d'acheter directement la dette des pays membres.

Il est d'ores et déjà certain que l'Allemagne va s'y opposer tout comme elle refuse de devancer de six mois l'entrée en vigueur du MSF pour combiner sa force de frappe de 500 milliards d'euros à celle de 440 milliards d'euros du FESF.

À la différence du FESF qui se finance par émissions d'obligations, le MSF aura droit à une mise de fonds initiale de 80 milliards avancée par les contribuables de l'Union. Comment faire quand les pays doivent comprimer leurs dépenses et consentir des taux élevés pour financer leurs lourds emprunts? Comment demander à l'Italie de contribuer dès 2012 quand elle doit refinancer 300 milliards de sa dette l'an prochain?

On va plancher aussi sur un rôle accru de la Banque centrale européenne (BCE) que plusieurs intervenants de marché voudraient voir en prêteur de dernier ressort, comme la Réserve fédérale américaine qui a monétisé la dette américaine pendant six mois l'an dernier. L'Allemagne et la BCE elle-même s'opposent à cette avenue qui revient à remettre à après-demain ce qu'il aurait fallu faire avant-hier.

Toutefois, dans les heures qui auront précédé l'ouverture du Sommet, la BCE aura sans aucun doute pris quelques décisions heureuses. Ce matin, elle va abaisser son taux directeur une deuxième fois en autant de mois pour le porter à 1%, voire peut-être à 0,75%. On s'attend aussi à ce qu'elle consente à prêter pendant jusqu'à deux ans plutôt qu'un aux banques européennes et qu'elle augmente les types d'actifs adossés à des créances acceptés en nantissement.

Elle doit aussi publier son nouveau scénario économique qui nourrira sans aucun doute délibérations et tensions du Sommet.

Hier, l'Allemagne a tenté de réduire les attentes des intervenants de marché qui aimeraient bien croire au père Noël. La chancelière Angela Merkel s'est dite pessimiste quant à la possibilité d'en arriver à un «accord total».

La Bundesbank avait tout juste auparavant réussi l'adjudication de 4 milliards d'euros d'obligations venant à échéance dans cinq ans. Elle avait échoué une enchère il y a deux semaines ne trouvant preneur que pour les deux tiers des emprunts sollicités.

Le président français Nicolas Sarkozy a quant à lui encore exhorté les membres de l'Union à s'entendre sur un nouveau traité. Faute d'entente à 27, on va se concentrer sur les 17 membres de l'eurogroupe.

De son côté, le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, a multiplié les rencontres bilatérales afin de convier les chefs de gouvernements à s'entendre sur une solution qui éviterait une crise financière planétaire.

Contrairement à une initiative précédente, il a eu soin de ne pas froisser les susceptibilités européennes en leur suggérant de suivre l'incertaine voie américaine...