À l'initiative de la Réserve fédérale américaine (Fed), les grandes banques centrales se sont une nouvelle fois concertées pour irriguer le système bancaire européen en dollars afin d'empêcher un étranglement du crédit susceptible de paralyser toute l'économie mondiale.

De manière surprise, à 8h HNE précises, la Banque du Canada, la Banque d'Angleterre, la Banque du Japon, la Banque centrale européenne, la Réserve fédérale et la Banque nationale suisse ont «convenu d'abaisser de 50 points de base le taux pratiqué dans le cadre des accords existants de swaps temporaires en dollars américains», lit-on dans le communiqué commun.

En clair, les banques à charte non américaines pourront emprunter dès lundi à des taux réduits de cinquante centièmes

Avant la mesure d'hier, les banques auraient pu se procurer des dollars américains auprès de leurs banquiers centraux moyennant un taux de 1,08% avec les nouvelles mesures c'aurait été un taux de 0,58%.

Ce faible taux signifie qu'emprunter en dollars à une banque centrale non américaine coûtera moins cher qu'un emprunt à la Fed dont le taux d'escompte, celui imposé à des banques américaines, est fixé à 0,75%. On spécule déjà sur une baisse imminente de ce taux.

Les swaps temporaires avaient été mis en place l'an dernier et devaient venir à terme en août 2012. Jusqu'ici, seules la BCE et la Banque du Japon les ont utilisées pour un montant total de 2,4 milliards seulement. Emprunter à une banque centrale était jugé à la fois cher et un aveu de vulnérabilité, jusqu'à dernièrement.

Dans la foulée de la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, les banques centrales avaient utilisé les lignes de swap ouvertes par la Fed jusqu'à hauteur de 553 milliards pour ranimer le crédit.

Les banques européennes ont de plus en plus de mal à emprunter en dollars pour financer leurs activités à l'étranger et aux États-Unis en particulier.

Les banques américaines, qui assurent déjà au moyen de swaps de défaillance (CDS) une grosse part des obligations souveraines libellées en euros détenues par les banques européennes, sont réticentes à leur faire en plus crédit à court terme.

Faute de déposants aux États-Unis, les banques européennes ont l'habitude d'emprunter en dollars sur le marché monétaire en émettant des billets de trésorerie (commercial paper). Devant le scepticisme grandissant des investisseurs face à l'euro, cette source de financement est pratiquement tarie.

Reste alors le guichet de la BCE, prêteuse de dernier ressort pour les banques mais pas pour les États de la zone euro. Cependant, la prime de 100 centièmes sur le taux à un jour était jugée élevée.

L'initiative annoncée hier permet donc de gagner un peu de temps afin que les dirigeants politiques parviennent à formuler une solution crédible et durable à la crise des finances publiques qui contamine le système bancaire européen.

Le scepticisme qui s'est emparé des marchés amène même les banques européennes à se prêter de moins en moins entre elles. Elles préfèrent déposer leurs liquidités à la BCE.

Or, moins elles se font crédit, moins elles peuvent prêter aux ménages et aux entreprises. Plus elles entravent l'activité économique et plus elles suscitent la nervosité et l'inquiétude quant à leur propre solvabilité. Et moins elles peuvent emprunter...

C'est ce cercle vicieux qu'avait créé la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 et entraîné les premières actions concertées des banquiers centraux pour le briser.

Cette fois-ci, ils tentent de prendre les devants. L'initiative annoncée hier a été très bien reçue sur les marchés. Des deux côtés de l'Atlantique, les grands indices boursiers ont bondi d'au moins 3 ou 4%, grâce à la poussée des titres bancaires, à l'exception du maître-indice canadien. Cela reflète sans doute que les banques canadiennes, plus solides que leurs concurrentes européennes, ont moins à gagner de l'annonce d'hier. Le S&P\TSX a tout de même avancé de plus de 2%.

Les taux obligataires européens ont aussi fléchi, ce qui devrait permettre momentanément le refinancement de la dette des États de la zone euro à meilleur marché qu'au cours des derniers jours.

La France et l'Espagne se présentent au marché ce matin.

En revanche, les taux des Treasuries américains de longue échéance, qui profitaient de leur rôle de placement refuge, ont augmenté, ce qui reflète le soulagement des intervenants des marchés.

Ceux à court terme ont peu bougé, puisqu'ils sont indexés au taux directeur de la Fed, lequel restera près de zéro au moins jusqu'au milieu de 2013.