Les États-Unis ont beau souhaiter ardemment une solution efficace à la crise de la dette publique en zone euro, ils apparaissent à court de conseils après avoir plaidé, sans succès jusqu'ici, pour une intervention à grande échelle de la Banque centrale européenne.

«C'est extrêmement important pour notre économie» que l'Europe résolve cette crise, a lancé lundi le président Barack Obama, en recevant les présidents de l'Union et de la Commission européennes, Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso.

«Notre position est, et a toujours été, qu'il est très important pour l'Europe d'agir avec force et détermination dès maintenant», a insisté le porte-parole de la Maison-Blanche Jay Carney. Sans détailler quelles mesures prendre.

Interrogés par l'AFP mardi pour savoir comment précisément la zone euro devait «agir», des porte-parole du Trésor se sont refusés à tout commentaire.

En septembre, le gouvernement américain avait clairement dit ce qu'il attendait des Européens: mobilisez les ressources de la BCE pour soulager les États de la zone euro en difficulté.

Des responsables du Trésor rappellent à l'envi, le secrétaire Timothy Geithner en tête, la fructueuse collaboration aux États-Unis entre la banque centrale (Fed) et le gouvernement pour apaiser la crise financière de 2008.

Avec ce leitmotiv sur la crise de la dette, répété par tous les responsables américains depuis plusieurs semaines: «l'Europe a parfaitement les capacités de la résoudre».

Lors du sommet du G20 à Cannes début novembre, le président Barack Obama glissait ce conseil à la chancelière allemande Angela Merkel, capté par un micro qui n'aurait pas dû être branché: «je suppose qu'il va vous falloir être créatifs maintenant».

Traduction, d'après l'économiste américain Adam Lerrick: les Américains «veulent que la BCE imprime 2000 milliards d'euros pour acheter toutes les obligations d'État européennes qu'elle trouve. Ils trouvent incompréhensible que les Européens ne le fassent pas».

Mais la symbiose entre Fed et Trésor à Washington a un pendant en Europe: le front commun entre la BCE et le gouvernement allemand pour rejeter les conseils américains.

D'après Jacob Kierkegaard, économiste danois au Peter Institute à Washington, la BCE a délibérément pris le contrepied de la Fed. Autant la banque centrale américaine a tâché de pousser au plus bas les taux d'intérêt pour l'Etat fédéral, autant son homologue européenne s'est refusée à donner le même coup de main à l'Italie.

«Ils ne l'ont pas fait. Par conséquent, la pression politique s'est accrue», souligne-t-il.

La démission mi-novembre du premier ministre italien Silvio Berlusconi, jugé inefficace par la BCE, n'a pas empêché les taux auxquels la péninsule emprunte de grimper encore. Mardi, Rome a dû payer entre 7,28% et 7,89% pour des titres avec des échéances entre 2014 et 2022.

Spectateurs des déboires d'une économie du G7, les États-Unis s'inquiètent des conséquences des remous en zone euro pour leur propre croissance.

«Je pense qu'on peut dire que ces dernières semaines la crise européenne de la dette publique est entrée dans une nouvelle phase», notait mardi un dirigeant de la Fed, Dennis Lockhart.

«Je suis inquiet des risques pour le secteur financier, pas tant à cause de l'exposition directe des institutions financières américaines aux États ou même aux banques européennes les plus exposées (aux dettes publiques), mais plutôt à cause des perspectives plus nébuleuses des turbulences sur les marchés et de la contagion», ajoutait-il.

Sa collègue Janet Yellen a appelé à «des mesures énergiques» de la part de l'Europe contre «les tensions budgétaires et financières, qui constituent une menace non seulement pour la croissance mais aussi pour la stabilité financière mondiale». Elle n'a pas détaillé lesquelles.

Mercredi, la Fed a annoncé, en coordination avec la BCE, les trois autres banques centrales du G7 (Canada, Grande-Bretagne et Japon) et la Banque nationale de Suisse, la baisse du coût des dollars qu'elle peut prêter à ces homologues.

George Goncalves, analyste de Nomura, y a vu «une marque de confiance de la Fed pour dire qu'elle voit le risque d'éclatement de la zone euro comme faible», puisqu'elle encourage la demande de dollars des banques européennes, qui auraient beaucoup à perdre dans cette éventualité.