L'Allemagne a été à son tour victime mercredi de la crise de la dette, signe d'une aggravation de la défiance à l'égard de la zone euro, en dépit des efforts de Bruxelles pour relancer le débat sur les euro-obligations ou la gouvernance économique en Europe.

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Première puissance économique européenne, principal bailleur de fonds pour les pays en crise de la zone euro, la locomotive allemande de l'Europe peine elle aussi à convaincre les investisseurs.

La dernière émission de l'année de l'emprunt de l'État allemand, le «Bund», un titre qui fait référence pour tout le marché européen, n'a pas trouvé complètement preneur. Berlin n'a réussi à placer que 3,6 milliards d'euros contre une offre de départ de 6 milliards d'euros, soit 60% seulement du montant qu'elle espérait.

L'annonce de ce piètre résultat a immédiatement porté un coup dur à l'euro, contribuant à le faire tomber sous les 1,34$ en fin de matinée.

«Le résultat témoigne moins d'une défiance à l'égard de l'Allemagne qu'à l'égard du projet de la monnaie unique dans son ensemble», a expliqué Jens Peter Sorensen, analyste de Danske Bank, cité par Dow Jones Newswires.

Les économistes pensent toutefois dans l'ensemble qu'il faudra plus qu'une adjudication ratée pour faire bouger le gouvernement allemand, jusqu'ici inflexible face aux demandes d'actions anti-crise émanant de toute la zone euro, qu'il s'agisse de l'émission d'euro-obligations ou d'intervention massive de la Banque centrale européenne.

La Commission européenne a précisément relancé mercredi le débat sur la création à terme de ces euro-obligations, revendiquant en échange un droit d'intrusion renforcé dans les budgets nationaux, deux propositions qui suscitent déjà la controverse.

«Sans une gouvernance économique renforcée, il sera difficile sinon impossible de maintenir une monnaie commune», a prévenu le président de la Commission, José Manuel Barroso.

Ces nouvelles propositions prévoient un contrôle beaucoup plus étroit des autorités européennes sur les finances publiques des États, avec par exemple un droit de regard de la Commission, de l'eurogroupe, et des ministres des Finances des 17 pays de la zone euro, sur les projets de budget avant qu'ils ne s'appliquent. Ce droit d'ingérence, assorti de mesures renforcées dans le cas de pays en déficit excessif, est ardemment réclamé par l'Allemagne. Mais il provoque aussi quelques grincements de dents dans certains autres pays de la zone euro.

En échange d'une discipline budgétaire de fer, la Commission fait miroiter une plus grande solidarité financière dans la zone euro via la création d'euro-obligations, présentées mercredi dans un «Livre vert».

La création de ce mécanisme de mutualisation des emprunts publics des pays de la zone euro «pourrait apporter des bénéfices énormes», selon M. Barroso.

En attendant, la crise s'éternise. Les Bourses ont continué à plonger, terminant toutes dans le rouge, à la veille d'une nouvelle rencontre au sommet entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy, jeudi à Strasbourg dans l'est de la France. Le couple franco-allemand, rebaptisé «Merkozy» sur les marchés et dont l'hégémonie irrite certains de ses partenaires, a cette fois invité le nouveau chef du gouvenement Mario Monti.

Selon les trois dirigeants européens, il s'agit d'«accélérer» le plan de sauvetage de la zone euro, en accroissant la discipline budgétaire de ses dix-sept membres pour éviter que la crise qui touche de plein fouet l'Italie, ou l'Espagne, ne se propage à l'ensemble de l'Union monétaire, y compris à la France.

L'agence de notation Fitch a indiqué mercredi que celle-ci méritait sa note «AAA», la meilleure possible, mais qu'elle pourrait être menacée en cas d'aggravation de la crise en zone euro.

À Athènes, la banque centrale grecque a averti que le plan de réduction de la dette du pays mis au point le mois dernier était «probablement la dernière chance» de reconstruire l'économie nationale.

La droite espagnole, sous pression pour annoncer ses premières mesures après sa victoire dimanche aux élections, a semé de son côté le doute en affirmant vouloir vérifier «exactement» les comptes publics avant de dévoiler son programme, par crainte d'éventuelles «surprises».