Des tensions entre la France et l'Allemagne sur le rôle de la Banque centrale européenne dans le sauvetage de l'euro sont apparues clairement mardi alors que la crise ne faiblit pas, l'Espagne ayant dû emprunter sur les marchés à des taux d'intérêt supérieurs à ceux de la Grèce.

La chancelière allemande Angela Merkel a déclaré que faire de la BCE le créancier en dernier recours des pays de la zone euro «ne marchera en aucun cas, en tout cas pas sur la durée».

«Au bout d'un moment on se rendra compte que ce qui est dans le bilan de la BCE doit être recapitalisé et on se tournera à nouveau vers les États», a-t-elle prédit dans une déclaration faite à Berlin.

La BCE doit s'abstenir d'intervenir massivement dans la crise, a renchéri le président de la très orthodoxe banque centrale allemande, Jens Weidmann. Ce serait «une faute grave» et «minerait encore plus la confiance».

Une position opposée à celle de la France qui essaie d'amener Berlin à infléchir sa position en autorisant l'institut monétaire européen à prêter sans limite aux pays fragiles.

«Nous restons sur une difficulté majeure, c'est de convaincre l'Allemagne que nous devons doter la zone euro d'un instrument de défense de notre monnaie, qui passe par une certaine évolution du rôle de la Banque centrale», a reconnu mardi le premier ministre français François Fillon, cité par un parlementaire.

L'ambassadeur des États-Unis auprès de l'Union européenne, William Kennard, a laissé entendre lui aussi mardi que la BCE avait le «potentiel» de faire davantage afin de résoudre une crise qui inquiète le monde entier. Un sommet entre l'UE et les États-Unis aura lieu le 28 novembre à Washington.

Une source proche de la Commission européenne a aussi estimé que la BCE était «l'alternative principale» à court terme pour lutter contre la propagation de la crise de la dette.

Les tensions persistantes entre la France et l'Allemagne sur le rôle de la BCE ont contribué à déprimer les Bourses européennes, qui ont terminé la séance en baisse. Paris a perdu 0,84%, Londres 0,30% tandis que Francfort chutait de 1,22% et Madrid de 1,45%.

Le sujet du rôle de la BCE pourrait se retrouver sur la table du mini-sommet prévu jeudi à Strasbourg entre le président français Nicolas Sarkozy, Mme Merkel et le président du Conseil italien Mario Monti.

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a dit tabler sur des décisions à même de calmer les investisseurs au cours d'un sommet des dirigeants européens le 9 décembre, estimant que l'on pouvait «vite» remettre la zone euro dans le droit chemin.

M. Monti était mardi à Bruxelles pour des entretiens avec les présidents de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et de l'UE, Herman Van Rompuy. Il a laissé planer le doute sur la capacité de son pays à tenir son engagement de ramener ses comptes publics à l'équilibre en 2013.

En parallèle, le chef de file des ministres des Finances Jean-Claude Juncker, qui s'est entretenu à Luxembourg avec le nouveau Premier ministre grec Lucas Papademos, s'est dit «assez optimiste» sur le fait que la Grèce puisse obtenir mardi le feu vert de la zone euro au déblocage d'une tranche d'aide de 8 milliards d'euros, vitale pour Athènes.

M. Juncker a par ailleurs réagi à l'annonce d'une possible dégradation de la note «triple A» de la France par l'agence Moody's, en estimant qu'il ne voyait «aucune raison de court ou moyen terme» qui puisse la justifier.

Philippe Mills, directeur général de l'Agence France Trésor (AFT), service du ministère des Finances qui place la dette publique sur les marchés, a lui reconnu que la France n'était «pas dans la meilleure position vis-à-vis des autres AAA de la zone euro», dans un entretien au quotidien économique français Les Echos à paraître mercredi.

De son côté, l'agence Fitch a annoncé mardi qu'elle maintenait la note AA- de l'Espagne, mais a appelé à des «mesures supplémentaires» pour réduire le déficit public.

Le Trésor espagnol a émis mardi pour 2,978 milliards d'euros de bons à trois et six mois, devant concéder des taux d'intérêt en très forte hausse, supérieurs à ceux de la Grèce et du Portugal il y a quelques jours lors d'opérations similaires.

Les marchés restaient inquiets également après les mauvaises nouvelles venues des États-Unis où, après trois mois d'efforts, la «super-commission» du Congrès a annoncé lundi qu'elle n'était pas parvenue à un accord pour réduire de 1.200 milliards de dollars le déficit du budget de l'État fédéral.

Pour «casser les chaînes de la contagion» des crises économiques et financières, le Fonds monétaire international a annoncé la création d'un nouvel instrument de prêt. Cette «Ligne de précaution et de liquidité» (LPL) met à disposition des États membres un crédit pour couvrir leurs besoins d'urgence.