Des financements de deux milliards de dollars viennent d'être bouclés au Québec pour des projets éoliens. Derrière ces transactions, des avocats...

À lire les médias ces jours-ci, on croirait presque que les banques européennes n'ont plus un rond et ne prêtent plus à personne. C'est peut-être vrai pour plusieurs d'entre elles, mais certainement pas pour toutes. Les banques allemandes, elles, semblent en pleine santé et prêtent beaucoup d'argent, même aux... Canadiens. C'est arrivé la semaine dernière, alors que des prêteurs allemands se sont regroupés avec des japonais et la Caisse de dépôt pour allonger 725 millions de dollars au consortium formé de Boralex et de Gaz Métro. But de l'opération? Financer les premiers 272 MW des Parcs éoliens de la Seigneurie de Beaupré, situés à 60 km au nord-est de la ville de Québec.

S'il risque d'y avoir de grosses bourrasques dans ce coin de pays dans les prochaines années, un vent favorable souffle déjà pas mal fort pour les avocats qui ont ficelé cette entente et toutes les autres qui ont eu lieu dans les derniers mois.

«Ça bouge dans le secteur du vent, on est très occupés», dit l'avocat Marc Dorion, 54 ans, associé chez McCarthy Tétrault et cochef des groupes nationaux du droit de l'énergie et du droit des infrastructures. Tellement en fait qu'on ne parle plus de bourrasques mais de rafales!

Deux milliards en six mois

Depuis six mois, les avocats de ce cabinet ont bouclé six financements dans le domaine éolien pour une valeur dépassant les 2 milliards de dollars. Tout cela au Québec, malgré une économie mondiale morose et des conditions de crédit grandement resserrées.

En mai, il y a eu la clôture de deux financements de 400 millions pour Invenergy et ses projets d'énergie éolienne Le Plateau, et celui Des Moulins; en juillet et août, Innergex et son projet solaire Stardale, est allé chercher plus de 460 millions. Puis, coup sur coup en novembre, Enbridge (330 millions), pour le Parc éolien du Lac-Alfred et Boralex/Gaz Métro (725 millions) pour la Seigneurie de Beaupré. Et dans quelques semaines, Kruger devrait ficeler un financement d'environ 230 millions pour son projet KÉMONT, en Montérégie.

Rappelons-le, Hydro-Québec a lancé en 2003 et 2005 des appels d'offres pour la production de 3000 MW d'énergie éolienne. Les gagnants on été choisis en 2008; les financements des derniers mois découlent directement de ces appels d'offres.

Mais comment finance-t-on des projets éoliens?

«Ça prend une expertise juridique pointue», dit Richard O'Doherty, 36 ans, l'associé chez McCarthy Tétrault qui a piloté juridiquement, pour le compte de Boralex/Gaz Métro, le financement des Parcs éoliens de la Seigneurie de Beaupré. Plusieurs alternatives ont été envisagées pour financer «le plus gros projet éolien au Canada», explique-t-il, dont du financement bancaire traditionnel, du financement obligataires ou un mix de deux.

Dans cette transaction, les avocats ont dû affronter plusieurs défis, notamment, et non le moindre, le fait d'avoir à négocier avec une demi-douzaine de prêteurs étrangers, représentés par le cabinet Blakes, de Montréal. Un avantage, explique Me O'Doherty, parce que ceux-ci ont l'expertise dans le financement de projets énergétiques, mais aussi des complications parce qu'ils connaissent peu le système juridique québécois et qu'ils n'ont pas l'habitude de traiter avec Hydro-Québec.

Ils ont planché gros et longtemps - près d'un an à temps plein pour préparer et négocier les contrats de financement, les documents de sûreté, les conventions entre les principaux sous-traitants... En tout, près de 25 avocats de McCarthy ont travaillé sur ce dossier.

Financement particulier

Une des particularités dans ce type de financement est qu'il est «sans recours», c'est-à-dire que les prêteurs n'ont pour seules garanties que les éoliennes - qui ne valent pas grand chose - et surtout les flux monétaires générés par ces éoliennes pour la durée du contrat. Ces flux monétaires proviendront d'Hydro-Québec, une entreprise solide financièrement, mais avec qui il faut s'assurer qu'elle tiendra son engagement pour de longues années. Le jeu des avocat était donc là, dans ce contrat d'approvisionnement entre le promoteur et la Société d'État.

«On devait s'assurer que le contrat était solide, de telle sorte qu'Hydro ne pourra pas le résilier facilement», explique Richard O'Doherty. Il ajoute par contre qu'une partie de ce financement a bénéficié d'une garantie du gouvernement allemand, «une première au Québec».

L'autre aspect particulier concerne ce que les juristes appellent les droits de superficie. Les 126 éoliennes seront en effet installées sur des terres privées appartenant au Séminaire de Québec. Il s'agit donc d'un bail, en quelque sorte, entre le promoteur et le Séminaire. Pour les prêteurs, c'est un aspect important à considérer car, avant d'avancer le fric, ils veulent s'assurer que tous les droit et permis aient été accordés.

«Tout devait être parfaitement ficelé», conclut Me O'Doherty.

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