La crise de la dette dans la zone euro a contraint la France, et surtout l'Espagne, à payer jeudi le prix fort sur les marchés, toujours aussi fébriles en dépit des gages politiques donnés aussi bien par Rome que Madrid et Athènes, théâtre de nouvelles manifestations.

La journée a débuté dans la tension avec de nouveaux records sur le marché des emprunts d'État. Plusieurs pays de la zone euro, dont la France et l'Espagne, ont confirmé jeudi leur décrochage avec l'Allemagne, seul État de l'Union monétaire à inspirer encore vraiment confiance.

L'écart des taux d'intérêt entre la France et l'Espagne d'une part et l'Allemagne d'autre part, s'est encore élargi jeudi matin, juste avant que Paris et Madrid se présentent sur les marchés pour lever plus de dix milliards d'euros.

L'Espagne a certes réussi son pari mais au prix fort. Elle a emprunté 3,5 milliards d'euros sur dix ans à un taux record frôlant les 7%, un seuil considéré comme dangereux par les analystes. Pour mémoire, l'Allemagne emprunte sur dix ans au taux de 1,8%.

«L'Espagne se rapproche de la zone (d'un besoin) de sauvetage», réagissait le journal El Pais, exprimant un sentiment généralisé dans la presse espagnole.

Faux, a rétorqué la ministre espagnole des Finances Elena Salgado, réfutant que son pays ait besoin d'une telle aide. Mais face à cette hausse très nette du coût du refinancement de la dette espagnole, le chef du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero a exigé une «réponse immédiate» de l'Europe face à ces turbulences: «ce que nous voulons ce n'est pas qu'un, deux ou trois gouvernements prennent les commandes, mais que l'Europe le fasse».

La France est de son côté parvenue à emprunter près de sept milliards d'euros sur cinq et deux ans, mais là encore, la deuxième économie de la zone euro a payé cher. Le taux est toutefois resté raisonnable (2,82% sur cinq ans, contre 2,31% lors de la dernière adjudication comparable le 20 octobre), ce qui a quelque peu rassuré les marchés. D'autant que la demande a été au rendez-vous aussi bien en France qu'en Espagne, signe que les investisseurs n'ont pas totalement perdu confiance.

Il n'y a «pas de défiance vis-à-vis de la France et l'adjudication de ce matin s'est déroulée normalement, notre offre de titres a été sursouscrite», a affirmé le ministre français des Finances François Baroin.

«L'émission de la France est un peu meilleure que celle de l'Espagne. Pour les deux pays, les taux sont supérieurs aux précédents emprunts du même type mais on s'en doutait», a expliqué de son côté Dov Adjedj, du courtier Aurel BGC.

La tension s'est donc relâchée quelque peu, l'écart de taux entre la France et l'Allemagne, qui avait dépassé les 200 points de base en début de journée, se resserrant ensuite à 175. Les bourses sont toutefois restées dans le rouge, tout au long de la journée, terminant toutes en baisse mais avec des pertes limitées. Paris, plus forte baisse en Europe, a ainsi cédé 1,78% en clôture.

Les nouveaux gouvernements en Grèce et en Italie n'ont pas vraiment rassuré les marchés, en dépit des gages donnés sur leur volonté de poursuivre les efforts, un impératif pour l'Allemagne, première économie de la zone euro.

«Il vous revient, ainsi qu'à votre gouvernement, de décider et de mettre en oeuvre rapidement des réformes décisives et nécessaires», a écrit la chancelière allemande Angela Merkel dans un message adressé à son homologue italien Mario Monti, qui vient de remplacer Silvio Berlusconi.

L'«avenir de l'euro dépendra aussi de ce que fera l'Italie dans les prochaines semaines», a confirmé jeudi M. Monti, dans son premier discours au Sénat, avant un vote de confiance prévu en soirée.

Il a promis de s'attaquer au système des retraites et au marché du travail, deux réformes structurelles réclamées par l'Union européenne et attendues par les marchés.

En Espagne, le favori des élections législatives de dimanche prochain, le dirigeant de la droite Mariano Rajoy, n'a pas attendu le résultat de ce scrutin pour multiplier les paroles apaisantes.

Il «faudra faire des coupes partout» sauf dans les retraites, afin de tenir la prévision de réduction du déficit public, a-t-il promis.

Mais les cures d'austérité qui se généralisent en Europe ont de plus en plus de mal à passer dans la rue. Des milliers de personnes ont manifesté jeudi à Athènes contre les mesures de rigueur préparées par le nouveau gouvernement grec de coalition de Lucas Papadémos. Ce dernier a obtenu mercredi la confiance du Parlement avec une avance confortable, mais sa majorité n'est toutefois pas exempte de tiraillements.

Il lui faut notamment confirmer sans ambiguïté sa volonté d'appliquer les mesures décidées avec ses partenaires européens et du Fonds monétaire international. Faute de quoi, la Grèce ne recevra pas les fonds promis qui lui sont indispensables pour boucler ses fins de mois. D'autant plus que les recettes attendues des privatisations ne dépasseront pas 1,3 milliard d'euros en 2011, contre 5 milliards prévus, selon un rapport de la «task force» européenne chargée d'apporter une assistance technique à Athènes.

Le FMI a ainsi rappelé jeudi qu'il attendait en Grèce «un soutien politique large» de la classe politique à des mesures de redressement économique, avant de reprendre le versement de son prêt au pays.

Les pays européens hors zone euro commencent eux-aussi à ressentir les effets de la crise qui s'éternise chez leurs voisins. La Hongrie a ainsi annoncé jeudi qu'elle allait chercher à obtenir un nouveau plan d'aide du FMI.