La Commission européenne a proposé mardi de permettre aux investisseurs de poursuivre en justice les agences de notation de crédit qui enfreindraient «intentionnellement ou par négligence» la réglementation de l'Union européenne les concernant. La charge de la preuve incomberait aux agences.

Le commissaire européen au marché intérieur, le Français Michel Barnier, n'a pas réussi, après trois heures de réunion de l'exécutif européen, à faire adopter un moratoire de la notation des pays bénéficiant d'un plan de sauvetage international. Il compte revenir à la charge plus tard.

Les propositions de la Commission seront transmises au Parlement européen et au Conseil européen pour négociation et si possible adoption.

Les agences de notation, qui évaluent la solidité d'un emprunteur privé ou d'un État, ont été montrées du doigt pendant la crise du crédit de 2008 mais aussi dans la crise de la dette souveraine qui frappe la zone euro depuis près de deux ans. Moody's, Standard & Poor's et Fitch représentent environ 95 % du marché mondial de la notation.

M. Barnier avait dénoncé la semaine dernière un incident «grave» après que Standard & Poor's eut par erreur envoyé un message laissant penser que la France avait perdu son triple A, la note maximale de confiance dans la solvabilité de la dette souveraine. L'Autorité des marchés financiers (AMF), le gendarme français de la Bourse, a annoncé l'ouverture d'une enquête sur l'incident et contacté l'Autorité européenne de supervision des marchés financiers (ESMA).

La Commission européenne veut aussi contraindre les agences à plus de transparence sur les données qui sous-tendent leurs notations et à prévenir les émetteurs d'obligations et investisseurs de toute modification de leur méthode de notation, un jour avant publication.

La note de crédit détermine souvent l'attitude des investisseurs tels que les fonds de pension ou fonds du marché monétaire, et peut déclencher une vente massive des titres d'un État ou d'une entreprise.

Rendre les agences comptables de leurs décisions pourrait ouvrir la voie à d'importantes actions en responsabilité civile auprès des tribunaux nationaux dans les 27 États membres de l'UE, bien que ce ne soit pas le cas dans les pays comme la France ou les États-Unis qui permettent déjà de le faire.

M. Barnier a rejeté l'argument des agences selon lequel leurs notes sont des opinions protégées par la liberté d'expression. «Les notations de crédit influent directement sur les marchés et l'économie et, par ricochet, sur la prospérité des citoyens européens. Elles ne sont pas seulement l'expression d'une opinion», a-t-il lancé.

Les États membres de l'UE seraient notés plus fréquemment, tous les six mois. La nouvelle réglementation vise par ailleurs à écarter les risques de conflit d'intérêts entre les émetteurs d'obligations et les agences qui les notent.

Les émetteurs devraient changer d'agence tous les trois ans afin que des petits concurrents puissent se développer, et les agences n'auraient pas le droit de noter des sociétés dans lesquelles elles détiennent, directement ou indirectement, des intérêts financiers.

En outre, les actionnaires importants d'une agence de notation donnée ne pourraient pas détenir simultanément de participation dans une autre agence.