Les taux auxquels l'Italie et l'Espagne financent leur dette ont atteint des niveaux dangereux qui restent toutefois encore gérables, selon les analystes, mais ces pays doivent absolument rétablir la confiance des marchés car l'Union européenne n'aurait pas les moyens de les sauver.

Rome et Madrid ont vu leurs taux bondir et doivent donc payer le prix fort pour placer leur dette, comme l'ont prouvé les dernières émissions de lundi et mardi.

Sous pression, les taux italiens à dix ans, qui servent de référence, s'inscrivaient à 7,013% mardi vers 10h30 et les taux espagnols à 6,298%.

Si ces taux sont, de l'avis des analystes, dangereux à terme, savoir à partir de quel niveau de taux la dette devient réellement insoutenable est une question difficile à trancher.

«On disait 6%, on dit 7% maintenant mais cela dépend du temps que cela dure», souligne Jean-François Robin, stratégiste obligataire de la banque Natixis.

En effet, selon Natixis, si le coût de financement de la dette italienne se maintenait l'an prochain à 7%, le surcoût représenterait 7 milliards d'euros, ce qui «n'est pas si cher que cela» pour un pays qui devrait dégager cette année un excédent primaire, c'est-à-dire hors intérêts de la dette, selon M. Robin.

Selon les résultats d'une sorte de «test de résistance» mené par la Banque d'Italie, la dette colossale de la péninsule (120% du PIB) resterait «soutenable» même avec des taux à 8%.

Gage de stabilité, l'Italie et l'Espagne ont l'avantage d'avoir une forte proportion (58% selon la Banque d'Italie) de leur dette entre les mains d'investisseurs domestiques.

Pour Daniel Pingarron de la maison de courtage IG Markets, l'Espagne «peut se financer seule pour le moment, même si elle paie cher», mais 7% serait une «barrière».

Alberto Roldan, de la maison de courtage Inverseguros, pense en revanche que l'accès aux marchés devient impossible «quand les intérêts dépassent 7% du PIB», un niveau dont l'Italie est loin (4,8% cette année) et l'Espagne encore plus (2,3%).

«L'Espagne pourrait donc résister un peu plus», d'autant plus que sa dette représente 65% du PIB, presque deux fois moins que celle de l'Italie, ajoute-t-il. Les besoins de refinancement des deux pays l'année prochaine vont par ailleurs du simple au triple: environ 300 milliards pour l'Italie, autour de 100 pour l'Espagne.

Le problème des deux pays étant une croissance atone, la proportion des intérêts pourrait toutefois vite grimper, imposant de nouvelles mesures de rigueur qui dépriment l'activité afin de tenir les engagements budgétaires.

Un «cercle vicieux» qui peut créer des «problèmes» à terme, souligne un analyste milanais sous couvert de l'anonymat.

Dans tous les cas, l'Italie et l'Espagne doivent tout faire pour restaurer la confiance des marchés car l'Union Européenne n'a pas actuellement les moyens de les sauver.

«Il faut montrer qu'on réforme le pays pour redonner de la croissance et en Italie, (le nouveau chef du gouvernement) Mario Monti a du boulot», lance M. Robin.

Car malgré le renforcement du fonds de secours européen, «ce qui a servi pour l'Irlande, le Portugal et la Grèce ne peut pas servir pour l'Italie et l'Espagne. L'UE n'a pas les fonds pour les sauver», c'est de la «science-fiction», estime M. Pingarron.

Le FMI pourrait proposer des lignes de crédit, ce qu'il a déjà fait à hauteur de 44 milliards d'euros, selon la presse, à l'Italie qui a refusé.

Mais pour être totalement mise à l'abri, la péninsule aurait besoin «de 250 milliards par an», ce qui est impossible vu les ressources du Fonds, note M. Robin.

«La conclusion de tout cela», selon lui, «est qu'il serait de bon ton que la BCE défende un taux» soutenable autour de 6% en amplifiant ses rachats de dette sur le marché mais elle refuse de le faire, arguant qu'il revient aux responsables politiques de régler la crise.