Contrairement à la Grèce, l'économie de l'Italie est encore une économie forte, la troisième de l'Europe. La crise qui frappe durement le pays est le résultat de l'échec des 17 années de vie publique de Silvio Berlusconi et de l'incapacité de l'Europe à mettre sur pied une politique monétaire cohérente, estime le professeur Luigi Paganetto de la faculté d'économie de l'Université de Rome II.

Le professeur Paganetto reçoit chaleureusement La Presse dans son bureau de la faculté d'économie de l'Université de Rome II. Il y est d'autant plus à l'aise que c'est lui qui a fondé ce département d'études économiques il y a près de 25 ans et qui en a présidé les destinées jusqu'à tout récemment.

«Je voulais créer une faculté d'économie ouverte sur le monde, en interrelation avec les autres universités, dans un monde de plus en plus interdépendant», explique celui qui organise depuis 23 ans un séminaire d'économie internationale qui accueille chaque année durant trois jours des sommités des quatre coins du monde, à Rome.

Le chaleureux professeur se transforme toutefois en analyste froid, rigoureux, implacable dès que l'on aborde les graves problèmes économiques qui affectent l'Italie depuis quelques années déjà, mais dont l'amplification récente a transformés en véritable crise économique.

«La crise actuelle est le résultat direct de la piètre gestion de l'administration publique italienne depuis que Silvio Berlusconi a remporté les élections en 1994 en promettant des changements qu'il n'a jamais réalisés», constate d'abord l'universitaire.

«À l'époque, la société italienne était prête à des changements. Tout le monde souhaitait une plus grande libéralisation de l'économie mais pour des motifs électoralistes, Berlusconi n'a rien fait.»

Croissance zéro

Bien que la dette colossale de l'Italie - 2600 milliards de dollars US, ce qui équivaut à 120% de son PIB - soit au coeur de la crise financière qui paralyse le gouvernement italien, et que ce fort endettement ait commencé dans les années 80 et 90 sous la direction notamment de gouvernements socialistes, Berlusconi aurait pu, selon M. Paganetto, s'attaquer au problème.

«La question de la dette serait réglée aujourd'hui. Non seulement Berlusconi n'a rien fait de ce côté, mais il n'a pris aucune mesure au cours des 10 dernières années pour augmenter la croissance économique. Résultat: on a eu une croissance zéro et la dette devient soudainement le problème qui paralyse tout», observe-t-il.

Pourtant, l'économie italienne reste une économie forte en Europe, qui se situe, quant à la taille, tout juste derrière celles de l'Allemagne et de la France. Les problèmes de refinancement public que vient de vivre la Grèce a braqué les projecteurs sur l'Italie, ce qui illustre aux yeux de Luigi Paganetto la grande défaillance de la zone euro.

«Au Japon, le ratio dette-PIB sera bientôt de 200%. Pourtant, personne n'en parle parce qu'il y a la Banque du Japon - 90% de la dette du pays est détenue par des Japonais. Même phénomène en Angleterre où il y encore la Banque d'Angleterre.

«En Europe, on a plus de prêteurs de dernier recours. La Banque centrale européenne n'agit que sur le marché secondaire. Elle fixe les taux d'intérêt mais n'intervient pas sur le financement des États. Il va falloir que le fonds de stabilité financière européen puisse intervenir comme créancier de dernier recours», souhaite le professeur Paganetto.

Ne pas détruire la reprise

Si l'administration publique italienne et la Banque centrale européenne partagent la paternité de la crise financière qui frappe aujourd'hui violemment l'Italie, le professeur déplore le plan d'austérité que vient de sanctionner hier le Sénat italien.

«Il ne faut pas tuer la reprise. En gelant le salaire des fonctionnaires de l'État durant trois ans, on réduit le pouvoir d'achat de millions de consommateurs et on risque d'aggraver la crise. Et ce n'est pas en haussant l'âge de la retraite à 67 ans en 2026 qu'on va régler les problèmes.

«Le gouvernement italien doit lancer un message clair, donner un signal à long terme qu'on veut mettre les efforts nécessaires pour augmenter la croissance, qu'on veut ouvrir les marchés, qu'on veut hausser la productivité. Le Fonds européen pour le développement doit intervenir pour stimuler l'activité du sud de l'Italie», propose le professeur.

Population: 61 millions d'habitants

PIB: 2300 milliards US

Revenu par habitant: 30 500$ US

Union européenne: depuis 1957

Zone euro: depuis 1999

Cote de crédit: (Standard & Poor's : A) (Moody's: A2 avec perspectives négatives)