Le sommet des grandes puissances du G20 s'est ouvert jeudi à Cannes, sous la menace d'une sortie de la zone euro de la Grèce en pleine crise politique, qui risque de déclencher une «réaction en chaîne» pour l'économie mondiale et fait déjà trembler l'Italie.

«L'aspect le plus important de notre tâche au cours des deux prochains jours sera de résoudre la crise financière ici en Europe», a déclaré jeudi le président américain Barack Obama peu avant le sommet des principaux pays riches et émergents, qui s'est ouvert à la mi-journée et se poursuivra jusqu'à vendredi. Il a dit attendre davantage de «détails» de la part des Européens.

«C'est surtout à l'Europe de régler le problème de la dette européenne», avait déjà prévenu mercredi soir le président chinois Hu Jintao lors d'un dîner avec son homologue français Nicolas Sarkozy, douchant les espoirs d'un coup de pouce immédiat de la deuxième puissance économique mondiale.

Paris et Berlin ont lancé mercredi soir un ultimatum à Athènes, sommée de décider lors de son référendum controversé prévu dans un mois si elle veut abandonner la monnaie commune ou pas. Une hypothèse longtemps taboue à laquelle les Européens semblaient jeudi presque résignés.

L'Union monétaire peut «se passer» de la Grèce, a ainsi tranché le ministre français des Affaires européennes Jean Leonetti. Mais à Bruxelles, la Commission européenne a dramatisé les enjeux, prévenant qu'en l'état des traités, une sortie de la zone euro n'est pas possible «sans sortie de l'Union européenne» tout entière.

La réunion sur la Croisette devait consacrer le retour de la confiance, grâce au plan de sortie de crise mis au point la semaine dernière par la zone euro et à la perspective d'une contribution des grands pays émergents pour arrêter le ralentissement de l'économie mondiale.

Ce bel échafaudage s'est effondré lundi avec la décision-surprise d'Athènes de soumettre l'accord européen à un référendum à l'issue plus qu'incertaine.

Or Pékin a prévenu que son aide à la zone euro dépendait justement de sa capacité à mettre en oeuvre cet accord.

Le soutien chinois peut atteindre 100 milliards de dollars, a expliqué un haut responsable de la Banque centrale de Chine, Li Daokui, mais à condition d'avoir la preuve de l'efficacité du Fonds européen de stabilité financière (FESF).

Or le renforcement de ce fonds monétaire européen censé servir de pare-feu pour prévenir la propagation de la crise de la dette à l'Italie et, au-delà, à toute l'économie mondiale fait partie du plan européen remis en question par le référendum grec.

Convoqué mercredi soir à Cannes par Nicolas Sarkozy, la chancelière allemande Angela Merkel, les principaux dirigeants de l'UE et la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde, très remontés contre son initiative, le premier ministre grec Georges Papandréou a fait, du bout des lèvres, deux concessions.

D'abord, le référendum pourrait avoir lieu le 4 décembre, et pas en janvier comme envisagé. Ensuite, son «enjeu» sera «clairement» l'appartenance du pays à la zone euro, a-t-il reconnu.

Le couple franco-allemand avait exigé que la consultation porte là-dessus, et pas sur le plan de sauvetage européen.

«La Grèce veut-elle rester ou non dans la zone euro?», a demandé Nicolas Sarkozy, promettant de ne pas «verser le moindre centime» à Athènes dans l'attente d'une réponse.

De concert avec le FMI, l'UE a ainsi coupé les vivres à la Grèce en suspendant à l'issue du référendum le versement d'un prêt de huit milliards d'euros dont elle a un besoin vital pour éviter la faillite. Athènes peut tenir sans argent frais jusqu'à début ou mi-décembre, selon les sources.

Mais dès la nuit de mercredi à jeudi, le compromis bancal arraché à Cannes a été remis en cause par deux ténors du gouvernement grec, dont le ministre des Finances Evangélos Vénizélos qui a pourtant participé à la réunion sur la Côte d'Azur. Le gouvernement de Georges Papandréou, qui ne dispose plus sur le papier d'une majorité au Parlement où un vote de confiance crucial est pourtant prévu vendredi, ne tenait plus qu'à un fil. M. Papandréou a toutefois exclu de démissionner, selon la télévision publique grecque.

Face à cette crise politique qui s'ajoute à la crise financière, l'opposition de droite grecque a appelé à la formation d'un gouvernement de transition pour «garantir» le plan de sauvetage «inévitable». La perspective d'un cabinet d'union nationale semblait se dessiner.

Déboussolées par ces nouvelles, les places boursières européennes ont finalement monté en flèche jeudi en début d'après-midi, essentiellement grâce à une baisse des taux de 0,25 point, à 1,25%, décidée par la Banque centrale européenne (BCE).

Pour son baptême du feu, son nouveau président Mario Draghi a pris cette décision surprise alors que la crise grecque risque d'entraîner «une réaction en chaîne» et affecter l'économie mondiale, selon les termes du premier ministre japonais Yoshihiko Noda.

L'Italie, troisième économie de la zone euro et principale cible des investisseurs en cas de propagation de l'incendie, était plus que jamais sous le feu des attaques des marchés.

Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi devait tenter de rassurer en présentant à Cannes les nouvelles mesures anti-crise adoptées in extremis mercredi soir. Il a participé à un mini-sommet avec les membres de la zone euro membres du G20 (France, Allemagne, Espagne) avant la réunion des grandes puissances.

Les principales puissances émergentes du groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se sont réunies dans la matinée pour accorder leurs violons avant le sommet et accentuer leur influence au G20.