Les dirigeants politiques et les marchés ont salué jeudi l'accord conclu dans la douleur à Bruxelles sur le plan anticrise destiné à assurer la survie de la zone euro.

Les Bourses, l'euro et le pétrole étaient tous orientés à la hausse jeudi en fin de matinée, quelques heures après la fin du sommet de la zone euro après une très longue nuit de négociations sous haute tension.

Les dirigeants des 17 pays membres s'étaient quittés vers 4h00 (22h00 à Montréal) avec le sentiment du devoir accompli.

«Je crois que le résultat sera accueilli avec soulagement par le monde entier qui attendait des réponses fortes de la zone euro», a déclaré le président français Nicolas Sarkozy.

«Je pense que nous avons pu être à la hauteur des attentes et que nous avons fait ce qu'il fallait faire» pour l'euro, a renchéri la chancelière allemande Angela Merkel.

De nombreuses capitales ont exprimé leur soulagement après la décision des 17 de fortement réduire la dette de la Grèce et de mobiliser 1000 milliards d'euros pour empêcher la contagion de la crise, notamment à l'Espagne et l'Italie.

Pékin a salué «le consensus européen» qui devrait «soutenir la confiance des marchés» et insuffler une nouvelle vitalité à l'intégration européenne».

Moscou a exprimé son «optimisme prudent» et Londres a estimé que le sommet avait débouché sur de «très bons progrès».

Le soulagement était officiellement de mise en Grèce, où l'accord ouvre «une nouvelle ère» même s'il «faut continuer de travailler», s'est félicité le premier ministre Georges Papandreou.

Dans le détail, les Européens ont réussi à lever in extremis un blocage portant sur un point central de leur système de défense face à la crise qui déstabilise la monnaie commune depuis deux ans: l'effacement d'une partie de la dette grecque détenue par les banques créancières du pays.

L'accord conclu porte sur un renoncement de 50% de leurs créances, soit cent milliards d'euros sur un total d'endettement public du pays de 350 milliards d'euros.

Athènes recevra en outre de nouveaux prêts de l'Europe et du FMI de 100 milliards d'euros également d'ici à fin 2014, dans le cadre d'un programme qui remplace celui de 109 milliards d'euros décidé en juillet.

M. Sarkozy, Mme Merkel et Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, ont dû intervenir dans la nuit pour trouver un compromis avec les banques, alors que les discussions étaient enlisées.

Le 21 juillet, un premier accord avait été trouvé avec les banques en vue de réduire de 21% la dette grecque qu'elles détiennent.

Mais cela ne suffit plus et le pays est aujourd'hui étranglé. D'où les efforts depuis plusieurs semaines pour aller beaucoup plus loin.

L'Allemagne a exercé une pression intense, exigeant un effort le plus important possible, supérieur à 50%, et menaçant les banques de passer par la manière forte si nécessaire.

La France et la Banque centrale européenne s'y sont opposées par crainte d'un effet domino dans toute l'Europe.

En échange de l'effort demandé au secteur bancaire, un accord a été trouvé pour recapitaliser les établissements qui en auraient besoin.

Concrètement, les besoins ont été chiffrés à 106 milliards d'euros par l'Autorité bancaire européenne (EBA). Toutefois, les marchés estiment qu'ils sont nettement supérieurs. Le FMI a lui-même parlé de 200 milliards d'euros.

Au-delà, les pays de la zone euro ont décidé de démultiplier la puissance de feu de leur Fonds de secours financier pour les pays en difficulté en la portant à 1.000 milliards d'euros dans un premier temps.

Cette enveloppe doit permettre d'éviter que la crise de la dette ne gagne l'Italie et l'Espagne.

Actuellement, le Fonds de secours (FESF) est doté d'une capacité de prêts théorique de 440 milliards d'euros, enveloppe jugée insuffisante face à l'ampleur des turbulences.

Les pays de la zone euro ont opté pour un mécanisme permettant de mobiliser davantage de fonds, sans que les États ne dépensent plus: un «effet de levier».

En l'occurrence, cela consistera à offrir un système d'assurance-crédit aux investisseurs pour les inciter à acheter de la dette publique d'États fragiles en garantissant une partie de la dette.

A ce dispositif serait ajouté un autre mécanisme, un fonds spécial adossé au FMI et accueillant les contributions de pays émergents comme la Chine et la Russie. Le sujet est politiquement très sensible et ce dernier volet est impossible en l'état à chiffrer.

La Chine et la Russie ont fait état de leur intérêt et le chef de l'État français, Nicolas Sarkozy, devait s'entretenir de ce sujet avec le président chinois Hu Jintao jeudi.

Le Japon a également promis jeudi son aide, car «une Europe stable est dans l'intérêt de notre pays», selon son ministre des Finances, Jun Azumi.

Dernier volet du système anticrise: la zone euro compte sur la poursuite du soutien de la BCE, qui actuellement maintient à flot l'Italie et l'Espagne en rachetant leur dette publique sur les marchés pour éviter que les taux d'emprunt obligataires ne s'envolent.

Les dirigeants européens ont par ailleurs insisté sur la nécessité d'une réforme de la gouvernance de la zone euro. Un premier pas a été fait jeudi avec l'annonce, par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, de la création d'un «super-commissaire à l'euro» avec l'élargissement des fonctions d'Olli Rehn, le commissaire chargé des affaires économiques et monétaires.

Cette nomination pourrait préfigurer, à terme, la création d'un ministre des Finances de la zone euro.