Silvio Berlusconi arrive mercredi au sommet de Bruxelles avec un accord arraché in extremis sur les réformes économiques exigées par l'Europe en échange de sa solidarité, mais la défiance reste vive à l'égard de l'Italie, considérée comme le maillon faible de la zone euro.

Le chef du gouvernement italien désespère ses soutiens. Un de ses proches l'a surnommé «Néron», l'empereur accusé d'avoir regardé Rome brûler sans réagir.

«Il est complètement déconnecté de la réalité. Son obsession est de rester au pouvoir», déplorait dimanche un de ses interlocuteurs à l'issue du premier sommet de Bruxelles.

Prié de se présenter mercredi avec des engagements fermes pour réduire la dette colossale de 1900 milliards d'euros (120% du PIB) de l'Italie afin de rassurer les marchés, il peut tout juste exciper d'un accord a minima pour porter l'âge de la retraite à 67 ans dont la négociation a montré la fragilité de sa coalition.

Dans une lettre d'une quinzaine de pages adressée mardi à ses partenaires, citée par les médias de son pays, Silvio Berlusconi s'engage surtout à adopter rapidement des mesures de relance de la croissance promises depuis cet été, mais qui n'ont toujours pas été présentées en raison des divisions de la majorité.

La longueur de la missive s'explique par le détail des mesures d'austérité adoptées ces derniers mois d'un montant total de 60 milliards d'euros d'ici à 2014 pour permettre à l'Italie d'atteindre l'équilibre budgétaire dès 2013. Il s'était déjà livré verbalement à cet exercice dimanche, sans convaincre ses pairs.

«Sur le papier, ces mesures sont très ambitieuses. Mais il faut convaincre les marchés de la volonté de les mettre en oeuvre. Or il manque le consensus politique dans le pays pour le faire», a insisté un responsable européen sous couvert de l'anonymat.

«La vraie sanction, c'est celle des marchés», a averti mardi le porte-parole d'Olli Rehn, le commissaire en charge des Affaires économiques.

Angela Merkel et Nicolas Sarkozy l'ont rappelé dimanche à Silvio Berlusconi. «Il n'est pas question de faire appel à la solidarité des partenaires si on ne fait pas les efforts nécessaires», a menacé le chef de l'État français.

La crise de la dette souveraine met en péril la monnaie européenne. Les dirigeants des dix-sept pays membres de la zone euro tentent de mettre en place un fonds monétaire pour aider les plus endettés à se financer lorsque cette possibilité devient trop onéreuse sur les marchés.

Mais les modalités du pare-feu à mettre en place divisent.

Pour l'heure, c'est la Banque centrale européenne (BCE) qui se charge de soutenir l'Espagne et l'Italie en rachetant sa dette sur les marchés afin d'empêcher que les taux d'emprunts n'explosent. Mais l'Allemagne voit cela d'un mauvais oeil et l'institut monétaire rechigne à continuer.

L'attitude à venir de la BCE est l'un des points clés des négociations en cours. La France espère que la banque, qui sera présidée en novembre par un Italien, Mario Draghi, poursuivra sa politique de soutien à Rome.

Mais elle ne peut pas le demander ouvertement, car ce serait «une entorse à l'indépendance de l'institution», reconnaît-on à Paris. «Le problème pour la BCE est simple: plus l'institution dira qu'elle continue à soutenir l'Italie, moins les Italiens feront les efforts réclamés», analyse un responsable.

«Le message à Berlusconi est donc: fais ton travail et la BCE continuera à t'aider», a-t-il souligné.

La France a un double intérêt à soutenir l'Italie. Si la péninsule plonge, la France risque d'être entraînée, car ses banques sont exposées à hauteur de 53 milliards d'euros à la dette italienne.

Mais elle a aussi besoin de l'Italie et de ses voix dans son rapport de force avec l'Allemagne au sein de la zone euro, estime un diplomate.