De grands pays émergents, Chine en tête, ont répondu favorablement mercredi à un appel de la zone euro à lui venir en aide, traduisant l'incapacité de l'Europe à régler seule la crise de la dette.

Après avoir longtemps assuré qu'ils se sortiraient seuls de l'ornière, les Européens se sont rendus à l'évidence: ils s'avouent implicitement incapables de créer à eux seuls un pare-feu assez grand pour contenir l'incendie avant qu'il ne se propage à l'Italie et embrase toute l'Union monétaire.

En démultipliant au maximum par leurs propres moyens la puissance de feu du Fonds européen de stabilité financière (FESF), ils ne comptent parvenir qu'à 1200 à 1300 milliards d'euros au mieux, soit en deçà des besoins potentiels et des attentes des marchés.

Les dirigeants de l'Union monétaire multiplient donc les appels du pied aux grandes puissances émergentes. «Évidemment, nous avons besoin d'un pare-feu suffisant», reconnaît-on de source diplomatique britannique.

Concrètement, cela va prendre forme par la création, lors de leur sommet crucial de mercredi à Bruxelles, d'un ou plusieurs fonds spéciaux pour attirer les investisseurs externes à la zone euro. Les pays émergents sont des cibles de choix.

L'idée, côté européen, est d'adosser ce nouvel instrument financier au fonds de secours de la zone euro. Avant même que la fin du sommet, l'Union européenne a fait savoir que le directeur du FESF, Klaus Regling, se rendrait en Chine vendredi «sur fond de crise des dettes souveraines en Europe». Une visite est aussi prévue au Japon.

Des sources diplomatiques ont indiqué à Bruxelles que la Chine était prête à «abonder le fonds» européen. Et le ministère des Affaires étrangères a assuré mercredi que Pékin avait «une attitude ouverte» et «aller discuter avec les Européens des multiples manières de coopérer».

La Chine, qui détiendrait déjà quelque 500 milliards de $ de dette publique européenne, selon des experts français et allemands, serait bien placée pour investir dans le FESF. D'autant qu'elle souhaite diversifier son énorme matelas de 3200 milliards de $ de réserves de change, qui sont essentiellement libellées en billets verts.

Pékin, comme d'autres pays émergents, a plusieurs fois réitéré ces dernières semaines leur soutien à la zone euro. Mais à condition que l'Europe fasse d'abord le ménage chez elle.

Plusieurs points d'une contribution du groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) restent toutefois à éclaircir.

Ainsi, selon le quotidien China Daily, les pays émergents sont d'accord pour participer à l'effort, mais via le Fonds monétaire international (FMI). Le Brésil et la Russie ont confirmé cette position: oui à une aide à l'Europe, mais uniquement à travers le FMI, et pas forcément pour acheter directement de la dette européenne.

Selon une source proche du dossier, il n'est «pas surprenant» que les Brics préfèrent passer par l'institution de Washington. «Il y a un instrument connu de tous, le FMI, avec une gouvernance bien définie, et a côté un machin encore flou. C'est normal que les émergents veuillent un peu de garanties», a-t-elle souligné.

Les Européens étudient aussi la création d'un fonds spécial adossé au FMI, au cas où elle serait plus attractive pour les pays émergents.

Mais le ministre brésilien des Finances Guido Mantega a dit que la seule aide que son pays pouvait apporter pourrait venir d'une éventuelle augmentation des ressources permanentes du FMI.

Les grandes puissances se sont données rendez-vous au sommet du G20, la semaine prochaine à Cannes (France), pour faire le point sur l'adéquation des ressources du Fonds aux besoins liés à la crise. Mais les États-Unis, premier contributeur, risquent de bloquer toute velléité de renforcement des moyens du FMI.