La zone euro éprouve toutes les peines à parvenir à un accord substantiel pour stopper la crise de la dette lors de son sommet crucial de mercredi, dans un contexte alourdi par les difficultés avec l'Italie et une controverse persistante sur le rôle que doit jouer la BCE.

«Si le sommet était un échec, cela pourrait faire basculer le continent européen vers des terres inconnues», a prévenu mardi le premier ministre français, François Fillon.

Le monde entier attend des actes lors de la réunion des chefs d'État et de gouvernement de l'Union monétaire à Bruxelles, qui s'ouvrira dans la soirée après un sommet de tous les pays de l'Union européenne à partir de 18h00 (midi à Montréal).

«La crise financière européenne est aujourd'hui le risque le plus grave pesant sur la reprise de l'économie mondiale», a indiqué aux États-Unis le sous-secrétaire adjoint au Trésor, Charles Collyns.

Une ultime réunion de hauts fonctionnaires des pays de la zone euro s'est ouverte dans la soirée à Bruxelles et pourrait durer tard dans la nuit pour tenter de réduire les divergences qui persistent.

«Cette réunion est notre dernière chance de sauver le sommet et d'aboutir à un accord significatif», a indiqué à l'AFP une source diplomatique. «Mais nous ne sommes pas très optimistes», a-t-elle ajouté.

Les Européens doivent d'une part stabiliser la Grèce surendettée en mettant plus fortement à contribution le secteur financier. Celui-ci s'était déjà engagé en juillet à subir des pertes de l'ordre de 21% en effaçant une partie de la dette grecque.

Selon une source diplomatique, le lobby bancaire propose désormais une décote volontaire de 40%, mais la zone euro veut plus. La chancelière Angela Merkel a placé la barre à «plus de 50%, moins de 60%», selon un parlementaire allemand. Et les tractations s'avèrent très difficiles.

Les dirigeants européens doivent ensuite éviter à tout prix la contagion de la crise, en particulier en trouvant un moyen efficace et crédible d'augmenter la force de frappe du Fonds européen de stabilité financière (FESF), doté actuellement d'une capacité de 440 milliards d'euros.

Plusieurs formules sont dans les tuyaux pouvant se combiner. Un modèle verrait le FESF agir comme assureur de la dette émise par les pays en difficulté. Une option consisterait à créer un véhicule financier adossé au FESF, pour attirer des investisseurs publics comme privés, y compris hors de la zone euro.

Mais, selon un document du gouvernement allemand, il sera sans doute impossible de communiquer mercredi une évaluation de l'effet de levier attendu, même si selon une source diplomatique l'objectif est d'atteindre au moins 1.000 milliards d'euros. Or, c'est précisément une annonce de ce type qu'attendent les marchés pour être rassurés.

«Il faudra encore plusieurs semaines pour avoir un ordre de grandeur», s'inquiète un diplomate, en redoutant «un massacre jeudi sur les marchés boursiers».

Le FESF renforcé s'est vu notamment assigner la tâche d'empêcher de manière préventive la contagion de la crise de la dette à l'Italie et l'Espagne.

Sommé dimanche par ses partenaires de prendre des mesures structurelles pour relancer la croissance et réduire la dette de son pays, Silvio Berlusconi a promis d'agir en retardant l'âge de départ à la retraite à 67 ans.

Il semblait mardi soir avoir réussi in extremis à convaincre son allié de la Ligue du Nord de réformer au moins partiellement les retraites pour apporter une réponse convaincante à Bruxelles.

«À la fin nous avons trouvé une voie, mais il faut voir maintenant ce que dira l'Europe», a déclaré dans la soirée le chef de la Ligue du Nord, Umberto Bossi, allié-clé, mais imprévisible de M. Berlusconi.

Selon des sources informées, le chef du gouvernement italien va envoyer entre mardi soir et mercredi matin une lettre à ses partenaires contenant une liste de mesures.

Dans l'immédiat Rome compte sur l'appui continu de la Banque centrale européenne pour jouer les pompiers sur le marché obligataire et freiner la hausse des taux d'emprunt italiens.

Mais Angela Merkel a refusé à la veille du sommet que les États européens imposent une ligne de conduite en la matière à la BCE, afin de préserver son indépendance. Elle a refusé un projet de communiqué du sommet de la zone euro qui à ses yeux franchit cette ligne rouge.

«Il ne faut pas laisser surgir la fausse impression que les politiques attendent quelque chose de la BCE», a-t-elle dit, à la veille d'un vote des députés allemands appelés à lui confier un mandat de négociation.

Le projet de communiqué final du sommet des dirigeants de l'Union monétaire, obtenu par l'AFP, encourage la BCE à poursuivre ses rachats de dette italienne et espagnole pour éviter que les taux obligataires de ces pays ne s'envolent: «Nous soutenons pleinement la BCE dans son action pour assurer la stabilité des prix en zone euro, y compris ses mesures exceptionnelles dans l'environnement de marché hors du commun actuel».

Une réunion préparatoire des ministres des Finances de l'Union européenne, qui devait se tenir mercredi avant les sommets européens, jugée inutile dans la mesure où les sujets seront tranchés au plus haut niveau, a été annulée.