Tandis que Carla Bruni accouchait d'une fille à Paris, son président de mari Nicolas Sarkozy s'envolait vers Francfort pour un dîner de travail informel mais urgent en vue du sommet européen de Bruxelles, dimanche, qui doit trouver une solution crédible à la crise fiscale.

Ses commensaux: la chancelière Angela Merkel, le président sortant de la Banque centrale européenne (BCE) et son successeur à partir du 1er novembre, Jean-Claude Trichet et Mario Draghi, les présidents de l'Union européenne et de Commission européenne, Herman van Rompuy et Jose Barroso, la présidente du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, ainsi que les ministres des Finances français et allemand, François Barouin et Wolfgang Shaüble.

Menu costaud, voire indigeste: aplanir les différends sur le rôle de la BCE, le gonflement de la puissance de feu du Fonds européen de stabilité financière (FESF) à au moins 1000 milliards d'euros, la recapitalisation accélérée des banques européennes et le pourcentage de radiation de la dette grecque à assumer par ses détenteurs.

La France paraît coincée, quelle que soit la façon dont sera tranché le noeud gordien. Sa note de crédit Aaa est sous surveillance par Moody's, notamment parce qu'elle tarde à retrouver l'équilibre budgétaire.

Or, les banques françaises sont les plus exposées au défaut possible de la Grèce ou de l'Italie, troisième emprunteur mondial, après les États-Unis et le Japon.

Elles détiennent 56,7 milliards US d'obligations grecques et 392,6 milliards de dette italienne privée et publique, selon la compilation de la Banque des règlements internationaux rapportée par Bloomberg.

Il n'est déjà plus question d'une radiation de l'ordre de 21% de la valeur faciale des obligations grecques comme le prévoit l'accord du 21 juillet, arraché après d'âpres négociations et tout juste ratifié par les 17 États membres de la zone euro.

Les hypothèses vont maintenant de 30 à 50%. Cela signifie beaucoup plus de pressions sur la capitalisation des banques prêteuses.

On rapporte que Paris et Berlin se sont entendus cette semaine pour que leurs banques se conforment dès 2013 plutôt que d'ici 2019 aux nouvelles normes de capitalisation de Bâle III. Celles-ci portent de 4% à 9% le ratio des fonds propres de premier rang (actions ordinaires et bénéfices non répartis) sur les actifs.

Le contexte financier est très mauvais pour l'émission d'actions ordinaires. Depuis le début de l'année, la valeur de celles de BNP Paribas, du Crédit Agricole et de la Société Générale ont chuté de 35 à 50%. Les banques peuvent aussi se départir d'actifs jugés non essentiels. Malchance, il y a peu d'acheteurs dans le présent contexte. Une braderie équivaudrait à une perte en capital.

Il reste encore la nationalisation partielle, comme Londres s'est résolu à le faire avec ses banques en 2009.

Financer des entrées au capital, alors que Paris doit faire preuve d'austérité budgétaire, paraît périlleux à quelques mois d'élections présidentielles.

L'accord du 21 juillet prévoit que le FESF puisse servir aussi au sauvetage des banques en difficulté, à l'achat d'obligations souveraines sur le marché secondaire et à des prêts à des États en difficulté.

Au moment de son adoption, les banques françaises n'étaient pas en difficulté, la France encore moins.

En attendant sa ratification, la BCE a dû acheter massivement des obligations italiennes pour maintenir les liquidités des banques détentrices. La BCE réclame que le FESF prenne le relais.

Le Fonds devra aussi servir à soutenir les banques grecques qui restent les premières détentrices d'obligations du pays du bouzouki. On doit en plus y puiser pour poursuivre le sauvetage de l'État hellène.

Bref, sa puissance de feu actuelle de 440 milliards d'euros paraît bien faible.

L'Europe va sans doute accoucher d'une solution, mais ce sera dans la douleur.