La Cour constitutionnelle allemande a autorisé mercredi le principe des aides promises par Berlin pour lutter contre la crise de la zone euro, mais a sommé le gouvernement d'impliquer davantage le parlement.

Un jugement contraire, alors que plus d'un quart du financement des plans de secours européens repose sur l'Allemagne, aurait provoqué un chaos incommensurable dans une zone euro sous haute tension, où les parlements italien, français et espagnols débattent de plans de rigueur, tandis que les finances grecques n'en finissent plus de déraper.

Les marchés ont réagi avec soulagement à la décision du juge constitutionnel allemand, souvent qualifié «d'empereur de substitution» (Ersatzkaiser) tant est grande son autorité morale.

L'euro est resté stable face au dollar, tandis que les principales Bourses européennes étaient dans le vert en fin de matinée.

Après avoir coiffé son calot rouge et s'être levé pour annoncer solennellement un jugement attendu avec fièvre dans toute l'Europe, le président de la Cour Andreas Vosskuhle a démonté un à un les arguments des plaignants, un groupe d'économistes euro-sceptiques et un député conservateur.

Ni l'aide à Athènes au printemps 2010 ni la création du fonds de secours européen FESF «ne violent l'article 38 (de la Constitution allemande) sur le droit de vote», et «ni la souveraineté budgétaire ni la marge de manoeuvre des parlements futurs» n'ont été compromises, a-t-il déclaré.

La chancelière Angela Merkel qui, coïncidence, s'adressait aux députés du Bundestag dans le cadre du débat budgétaire, s'est félicitée de ce que «la Cour constitutionnelle (ait) absolument confirmé» le chemin suivi par l'Allemagne. À Bruxelles, la Commission européenne a quant à elle fait part de sa «satisfaction».

La plus haute instance judiciaire allemande a toutefois rappelé les prérogatives du Bundestag, qui devra donner son feu vert «au cas par cas pour toute mesure d'aide de grande importance».

La Cour a jugé que le gouvernement avait «l'obligation d'obtenir le feu vert préalable» de la commission budgétaire du Bundestag avant de prendre un quelconque engagement.

Pas question par ailleurs pour Berlin de ratifier des accords prévoyant une «communauté de dettes (...) surtout si elle est liée à des conséquences difficilement prévisibles», ont prévenu les juges. Ceci devrait donner des arguments aux opposants à la création d'obligations européennes communes ou «eurobonds».

Pour Christian Waldhoff, professeur de droit de l'université de Bonn, la Cour de Karlsruhe ne fait que des heureux: «le Bundestag bien sûr, mais aussi le gouvernement pour qui une condamnation aurait été une catastrophe,» a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision Phoenix.

Le jugement «devrait apporter du soulagement aux marchés car le chaos total a été évité mais l'euphorie n'est pas de mise. Un plus grand pouvoir du parlement allemand dans les futurs plans d'aide pourrait essaimer dans d'autres pays», prévenait pour sa part Carsten Brzeski, économiste du groupe ING.

Alexander Koch, économiste d'Unicredit, jugeait malgré tout que le FESF, embryon de «FMI européen», pourra «agir avec rapidité» puisque l'aval d'une commission suffira, sans vote de l'assemblée plénière.

En matière de politique intérieure allemande, le rappel à l'ordre sur les pouvoirs du parlement n'a rien d'anodin pour Mme Merkel, alors que les députés doivent voter le 29 septembre sur un renforcement des pouvoirs du FESF, auquel l'Allemagne a promis plus de 200 milliards d'euros.

La chancelière n'est pas assurée de faire le plein des voix de sa majorité lors de ce vote, et encore moins quand il s'agira pour le Bundestag de se pencher ensuite sur une nouvelle aide à la Grèce.

L'opposition a toutefois promis d'apporter son soutien, mais ce serait une humiliation pour la chancelière conservatrice de lui devoir un feu vert.