S'offrir la France en pâture après la Grèce, l'Italie ou l'Espagne? L'idée fait son chemin dans l'univers des spéculateurs depuis que Standard and Poor's a brisé le tabou du «triple A» américain.

Et ce d'autant plus que l'économie française montre des signes de ralentissement qui pourraient être confirmés par le chiffre de la croissance attendu vendredi.

Devenue soudainement perméable aux rumeurs les plus fantaisistes, la place de Paris a dévissé mercredi pour clôturer la séance en chute libre, à -5,45 %.

Deux potins de salles de marchés ont fait d'immenses dégâts en dépit de démentis véhéments, l'un évoquant une dégradation de la note française par Fitch, l'autre, la faillite de la Société générale.

Stratégiste chez Natixis, importante banque d'affaires française, Cyril Regnat y voit la main de la spéculation et tout particulièrement des hedge funds, ces fonds déjà accusés d'avoir propagé la crise des «subprimes» en 2008.

«Un hedge fund américain ou britannique qui spécule sur une dégradation de la France a tout à gagner d'une dégradation de la qualité de la dette française», relève-t-il.

Un indice confirmerait cette piste. Les contrats d'assurance contre le défaut de paiement, les CDS, ont atteint de nouveaux sommets historiques jeudi sur la dette française. Or les hedge funds sont très présents sur ce marché «hautement spéculatif et faussé», explique Cyril Regnat.

Le paradoxe, souligne-t-il encore, c'est qu'au même moment, les marchés obligataires, nettement moins spéculatifs, se montraient particulièrement bien disposés à l'égard de la dette souveraine de la France: «le Trésor français ne s'est jamais financé dans des conditions plus favorables». Les taux d'intérêt sont au plus bas.

Pour alimenter leur moulin à mauvaises nouvelles, les spéculateurs ont cependant l'embarras du choix.

L'Insee publiera vendredi à 07H30 précises sa première estimation de la croissance française au deuxième trimestre et tout porte à croire que le chiffre ne sera pas bon. Conséquence: la France pourrait bien ne pas être au rendez-vous des 2% de croissance espérés cette année par le gouvernement.

Signe avant-coureur: la production industrielle française a brutalement chuté en juin (-1,6%).

Fin juillet aussi, le Fonds monétaire international (FMI) a appelé Paris à consentir des «efforts supplémentaires» pour tenir ses engagements de réduction des déficits.

Et vendredi, Standard and Poor's lançait un clair avertissement, au détour de son rapport sur la dégradation de la note américaine. La France, écrivait l'agence de notation américaine, pourrait afficher en 2015 le plus haut ratio dette/PIB des «triple A», soit 83% contre près de 85% aujourd'hui.

Sans parler des risques de récession mondiale...

Alerté par le paradoxe des CDS, l'économiste Nicolas Bouzou se demande également si l'on «n'est pas en train d'assister à un début d'attaque spéculative sur la dette française».

Face à cette menace, l'économiste fustige une «réponse politique française, américaine et européenne nanoscopique».

À l'issue d'une réunion de crise mercredi à l'Élysée, le gouvernement s'est contenté de réaffirmer qu'il supprimerait des niches fiscales, souligne-t-il.

Réagissant à la dégradation de la note de son pays, Barack Obama s'est enfoncé selon lui «dans le déni», affirmant que les Etats-Unis mériteraient toujours leur triple A.

Quant à l'Europe, le sommet de Bruxelles du 21 juillet censé sauver l'économie grecque et la zone euro a pris, dit-il, «des décisions formidables mais applicables fin septembre, au retour de vacances des parlements».

«En France, il faut annoncer des mesures d'urgence d'ici à la fin du mois d'août sur les comptes de la sécurité sociale, les retraites, la réforme de l'assurance maladie et la fiscalité», préconise Nicolas Bouzou.

L'économiste appelle aussi à une «initiative sur la croissance économique dans la zone euro» dont les ministres des Finances devraient, selon lui, «se mettre d'accord avec la Banque centrale européenne pour faire baisser le niveau de la monnaie commune».